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Les SHUAR Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
19-10-2009
 Les shuar n'ont jamais été colonisés jusqu'aux années 60 du siècle dernier. Ils ont passé cinq cents ans parcourant la forêt et la montagne, leur lieu d'origine depuis environ 2500 années. Attachés à leur culture, savants en herbes, chasseurs, nomades d'essence et d'esprit. Les contacts avec eux l'ont été dans les environs de leurs vastes territoires, mais jusqu'au siècle passé personne n'a interféré avec leurs vies. Quand les compagnies minières sont arrivées dans l'Amazonie, cet univers a été mis en pièces. Elles leurs ont enlevé leurs terres, les plus biodiverses de la planète. Ils ont été confinés dans des réserves. Les prêtres salésiens ont arraché une génération entière d'enfants shuar de leurs communautés.
 
 
 
(...) Il y a un mois, les shuar se sont soulevés si fort avec le gouvernement de Rafael Correa qu'il y a eu un maître shuar de tué . Les shuar et Correa sont entrés dans une polémique publique sur la responsabilité de cette mort. Il y a eu un réflexe rapide des deux parties pour éviter la rupture. La Conaie, qui regroupe les communautés de l'état plurinational qu'est l'Équateur, a besoin de ce gouvernement d'un État unitaire qui conformément à la Constitution régit tous les équatoriens. Et Correa ne serait pas arrivé au pouvoir sans cette force qui  représente la plus grande organisation sociale du pays. Les shuar sont les plus indociles. Les plus radicaux.

Un des livres les plus merveilleux qui j'ai eu entre mes mains s'appelle Tarimiat Nunkanam Inkiunaiyamu. 500 pages illustrées, des photos, des histoires de vie, des témoignages, des analyses, des opinions et des documents sur trois peuples de la Cordillère du Condor, entre le Pérou et l'Équateur. Les wampís, les awayun et les shuar sont les peuples qui vivent dans cette zone. Les trois peuples appartiennent à la famille linguistique du jibaro.

Ce livre conte une histoire incroyable.

Parce que cette semaine, juste le Jour dit de la Race (12 octobre, anniversaire du début de la colonisation, appelé Dernier Jour de la Liberté par les peuples originaires, NdT), l'histoire des shuar est une histoire dans le chemin de la conscience de ce continent, tant inconnue même pour ceux qui y sommes nés. Si inconnu, si ignoré, si absent de nos perceptions de la réalité.

Les shuar n'ont jamais été colonisés jusqu'aux années 60 du siècle dernier. Ils ont passé cinq cents ans parcourant la forêt et la montagne, leur lieu d'origine depuis environ 2500 années. Attachés à leur culture, savants en herbes, chasseurs, nomades d'essence et d'esprit. Les contacts avec eux l'ont été dans les environs de leurs vastes territoires, mais jusqu'au siècle passé personne n'a interféré avec leurs vies. Quand les compagnies minières sont arrivées dans l'Amazonie, cet univers a été mis en pièces. Elles leurs ont enlevé leurs terres, les plus biodiverses de la planète. Ils ont été confinés dans des réserves. Les prêtres salésiens ont arraché une génération entière d'enfants shuar de leurs communautés. Ils ont arrêté d'apprendre leur langue et ont appris l'espagnol. Ils ont perdu leurs habitus nomades. Les prêtres les ont nommés autrement. Cette génération de shuar, déjà adulte, est celle qui est aujourd'hui à la tête de la partie la plus radicale et dure des organisations aborigènes équatoriennes. Domingo Ankuah, dirigeant shuar au plan national, raconte dans sa biographie :
 
"J'ai été recruté par les salésiens peut-être quand j'avais 4 ou 5 ans, selon eux. La première chose que je sais est qu'ils m'ont donné un nom, enfin deux noms, deux prénoms, parce que mon père quand je suis né m'a donné un prénom puisque que les shuar n'avons qu'un prénomon. Mais quand ils m'ont recruté, ils m'ont donné le nom que je maintiens encore. Très jeune, je ne connaissais pas tout ce qui se passait dans la vie, ce que les missionnaires ont fait. J'ai fait l'ecole primaire et ensuite au collège de pratique agricole de la mission salésienne jusqu'à l'âge de 17 ans ".

Un autre shuar dit dans l'une des vidéos qui accompagnent le livre qu'ils sont "aussi forts parce que pendant deux mille cinq cents ans nous n'avons pas eu besoin de dollars, et que nous pouvons continuer encore deux mille cinq cents années sans un seul dollar". Leurs femmes âgées se plaignent du fait que les compagnies minières ont tout altéré, et que ne poussent plus quelques unes des plantes nécessaires pour leur médecine. Elles se plaignent aussi de que les jeunes femmes, élevées comme Domingo Ankuah, ne savent pas faire ni s'occuper de leurs jardins. Ils savent pas qui ils sont. Il y a des conflits familiaux qu'ils ne connaissaient pas lorsqu'ils étaient nomades. Le sedentarisme forcé les irrite dans sa face la plus profonde. Ils ne vivent pas conformément à leur nature.

Dans une note d'analyse sur le conflit entre les shuar et Correa, le journaliste Kintto Lucas - prix Latino-américain de Journalisme José Martí - indique cette semaine qu'il y a eu des erreurs stratégiques de la part des deux parties,  gouvernement et communautés, et qu'une autocritique mutuelle est nécessaire. Parce que le gouvernement unitaire contre lequel se heurte la nationalité shuar est le gouvernement qui les a le plus respecté dans l'histoire moderne de ce pays. Bien que le dommage causé aux shuar soit déjà irréparable. Sur les contradictions comme celle-ci qui grouillent dans les pays les plus progressistes de la région, sur comment lire cette réalité de gouvernements populaires qui, sauve en Bolivie, n'ont pas avancé suffisamment ou hésitent à le faire, Lucas cite ce paragraphe de Saramago :

"Il suffit à cette ville de savoir que la rose des vents existe. Ce n'est pas le lieu où s'ouvrent les directions, ce n'est pas non plus le point magnifique où convergent les routes. Ici, précisément, changent les directions". 
 
Sandra Russo, Pagina/12, 17 octobre 2009.
 
Traduit par http://amerikenlutte.free.fr
 
 
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