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Chili: la droite remporte les élections présidentielles Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
19-01-2010
L'entrepreneur Sebastián Piñera a obtenu 51,6 pour cent des voix au second tour des élections contre l'ex-président Eduardo Frei, soutenu par la gauche et les sociaux-chrétiens. Le résultat ferme un cycle de 20 ans de gouvernements de la Concertation après la chute de la dictature de Pinochet.
 
 
 La victoire de Sebastian Piñera, le candidat de la droite à l'élection présidentielle de dimanche au Chili, est le reflet de ce qu'est aujourd'hui la société de ce pays. Et elle n'est plus celle que l'on croît : c'est aujourd'hui une société politiquement apaisée. La gauche et la droite sont en compétition, elles ne sont plus en guerre. Pas un seul incident n'a marqué ce scrutin et ce qui frappe avant tout, c'est la courtoisie des vainqueurs et des vaincus les uns envers les autres une fois les résultats connus.

Cette situation est l'effet d'un consensus implicite entre la droite et la gauche sur quatre points essentiels : la Constitution, l'économie de marché, le pragmatisme politique et la nécessité d'un renouveau générationnel.

Etat de droit

La gauche n'est plus révolutionnaire et la droite n'est plus « golpiste » ni même autoritaire. Les institutions chiliennes, largement amendées, sont aujourd'hui un modèle d'équilibre des pouvoirs : un exécutif fort face à un Parlement qui l'est également ; un pouvoir judiciaire, une Cour constitutionnelle et un organisme de contrôle des comptes publics indépendants.

Le Chili est une exception en Amérique latine par son faible taux de corruption et l'harmonieux fonctionnement de son Etat de droit.

Consensus libéral

Deuxième point de convergence : une conception commune, entre la droite et la gauche, d'un libéralisme économique qui n'est plus tout à fait celle des « Chicago boys » de l'époque de la dictature Pinochet.

La gauche a apporté au système, sans le remettre en cause, une touche assez allemande d'économie sociale de marché. Elle a également mis en place des outils de contrôle et d'encadrement afin que soient respectées les règles de la concurrence et limités les dérapages des marchés (les fonds de pensions, par exemple, sont soumis à des obligations de prudence qui leur interdisent d'investir dans des secteurs à risque).

La stabilité politique apportée par le retour à la démocratie et l'ouverture commerciale vers l'étranger ont fait du Chili, depuis la fin de la dictature, un pays prospère et sûr. Il est le premier d'Amérique du sud et le deuxième d'Amérique latine (après le Mexique) à être membre de l'OCDE. C'est aussi un pays socialement progressiste.

Certes, beaucoup de chemin reste à faire, notamment en termes d'inégalités de revenus, mais la pauvreté a été notablement réduite (les personnes sous le seuil de pauvreté sont passées de 38,6% en 1990 à 13,7% en 2006, selon les statistiques officielles).

Maturité politique

Le troisième élément du consensus est le pragmatisme. La gauche n'a pas hésité à utiliser les outils de la droite quand elle les a jugés utiles. La droite, dont c'est la première victoire depuis le retour à la démocratie, ne va pas défaire ce qu'a construit la gauche, dont elle a observé avec attention les succès, notamment en matière sociale. Elle promet de poursuivre dans cette voie.

Il est probable qu'il n'a pas échappé à Piñera que Michelle Bachelet, à laquelle il succède, termine son mandat avec 80% d'opinions positives. Si celle-ci avait été autorisée à briguer un second mandat, il est quasi certain qu'elle aurait été élue.

Des visages nouveaux

La question se pose alors de savoir pourquoi Eduardo Frei, le candidat que soutenait la présidente, a été battu. Sans doute parce qu'il est depuis trop longtemps dans le paysage politique, qu'il apparaît comme le vétéran fatigué de la Concertation.

Et c'est le quatrième élément que révèle cette victoire de Piñera : le pays tout entier, longtemps corseté par la tradition et un certain conformisme social, a senti le besoin d'un renouveau générationnel pour incarner sa volonté de modernité.

Le jeune dissident socialiste Marco Enrique- Ominami a obtenu un joli score au premier tour, avec 20% des voix, démontrant par ce succès une attente, à gauche, de visages nouveaux. Piñera, qui a sans doute engrangé au second tour les voix d'électeurs d'Enriquez-Ominami, représente, quant à lui, une droite nouvelle, décomplexée, déconnectée des références pinochetistes, même s'il fut de bonne guerre pour la gauche pendant la campagne de prétendre le contraire.

Un dernier mot en conclusion : les consensus n'empêchent pas les divergences, et la droite ne va pas ressembler à la gauche, notamment en matière sociétale (avortement, divorce et mariages homosexuels) et en politique étrangère.

Photo : Sebastian Piñeran après l'annonce de sa victoire à l'élection présidentielle (Victor Ruiz Caballero/Reuters)

Piñera a peu de choses aimables à dire à l'endroit de Hugo Chavez ou d'Evo Morales. C'est sur ces questions de société et de diplomatie, et non sur les institutions, l'économie ou le social, que les différences seront les plus marquées.

 
http://www.rue89.com/panamericana/2010/01/18/pour-la-premiere-fois-depuis-pinochet-le-chili-passe-a-droite-134381
 
 
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