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Equateur: mobilisations indigènes contre la privatisation de l'eau Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
07-05-2010
Rafael Correa et les organisations indigènes, auparavant alliées, ne réussissent pas à se mettre d'accord. Des experts soupçonnent que les indigènes sont manipulés par la droite conservatrice et les ONG écologiques.
 
 
"Je veux qu'ils respectent leur parole. Beaucoup de socialisme mais nous sommes à chaque fois pires." Pedro Ayuy Astudillo repasse son histoire et raconte la lutte avec le gouvernement équatorien. Cinquante-sept ans, une peau durcie par le soleil, de nationalité shuar , ex-policier. Il exige avant tout du travail. "Et qu'ils n'exploitent pas nos terres, ni ne pillent du pétrole, ni des minéraux ni qu'ils ne contaminent l'eau."

Le dialogue avec le gouvernement est rompu. Comme deux anciens amants, Rafael Correa et les organisations indigènes, alliées auparavant, ne réussissent pas à se mettre d'accord. Cette semaine et la semaine dernière, la Confédération de Nationalités Indigènes d'Équateur (Conaie) s'est mobilisée pour exiger que l'eau ne soit pas privatisée avec l'approbation de la nouvelle loi des Eaux qu'examine l'Assemblée Législative Nationale. Peu a importé que le président de celle-ci, Fernando Cordero, ait annoncé qu'ils ne permettront pas l'approbation d'une réglementation de privatisation qui "violerait la Constitution", ni que le vice-président, Lenin Moreno, demande à reprendre le dialogue.

Le soupçon, à chaque fois avec plus de certitude, est que les indigènes sont manipulée par des secteurs traditionnellement adversaires de ses intérêts, la droite conservatrice et les ONG écologiques. Ainsi l'entend Maria del Carmen Garcés, investigatrice, écrivain et lutteuse sociale qui compare - "bien qu'en gardant les distances entre Salvador Allende et Correa" - les grèves dans les mines du Teniente dans l'ancien Chili socialiste et les actuels soulèvements  indigènes en Équateur. "La droite, avant ou maintenant, là-bas ou ici, infiltre les organisations populaires en utilisant la même stratégie."

Depuis des mois, la rupture du dialogue est la base pour les tentatives des séducteurs de la droite locale. Surtout à Guayaquil, ville commandée par l'opposant Jaime Nebot, où fin mars se sont réunies la Conaie et la droitière Junta Civica. Bien que les représentants indigènes ont écarté des alliances et se sont repentis de la réunion - au point d'annoncer des "purges" internes -, la stratégie de l'opposition a été mise en évidence. 

Mais il faut aller dans l'Orient équatorien pour voir comment vivent et ce qu'exigent les indigènes, auparavant alliés et aujourd'hui fervents adversaires du gouvernement.

L'histoire d'Ayuy Astudillo résume celle de chaque indigène équatorien qui coexiste avec les "colons", comme ils appellent ceux qui habitent dans les villes. Il vit à Sevilla, près de Macas, province de Morona Santiago, où trente mille personnes d'origine shuar vivent encore de la chasse et de l'agriculture. "Très chichment mais il ne manque jamais la nourriture", dit-il orgueilleux.

Ils reconnaissent le pluri-nationalisme octroyé par la dernière Constitution, mais ils pensent que leur vie ne s'est pas améliorée. Pour cela la confrontation avec qui, jusqu'à il y a peu, semblait venir changer leur situation d'éternellement laissés pour compte.

La maison en bois des Ayuy Astudillo est comme toutes celles de Sevilla : basse et rustique. Mais la leur n'a pas de fenêtres. Une autre plainte à ce sujet  : ils veulent des oeuvres publiques, des infrastructures et des crédits. "Il y a des plans, mais ils ne changent rien avec des maisons de six mètres carrés."

La Révolution Citoyenne, annoncée sur chaque panneau sur la route qui unit Macas à Sevilla, ne semble pas arrivée jusqu'ici. Elle est restée à mi chemin. Bien que la route soit nouvelle et ait aidé à reconstruire la communication de l'Orient équatorien.

La colère avec Correa se note dans sa façon de parler avec véhémence. Les besoins soutiennent ses plaintes. Ils vivent sans eau, avec de l'électricité occasionnelle, sans égoûts, sans gaz naturel. Sans fenêtres. Même ainsi ils ont du mal à exprimer ce dont ils ont besoin. Tout près, derrière la montagne, vivent dans la forêt amazonienne plus de 85 communautés. "Le médecin vient deux heures par jour, pas les week-ends donc nous ne pouvons pas tomber malades", lache Ayu.

Tous ne sont pas sûrs des méthodes de lutte. "Je soutiens le soulèvement mais de manière pacifique", répond le maître de maison, avec des arièrre-goûts de son ancien emploi : il reçoit 580 dollars de pension et il ne veut pas que ses deux groupes, indigènes et policiers, s'affrontent,.

Sur la réunion avec la droite, Ayuy est clair : "je les refuse parce qu'ils nous ont toujours discriminés". Garcés ne comprend pas non plus : "C'est inexplicable, la droite les a toujours discriminés et maintenant elle les utilise". Et elle attaque le discours écologique des ONG internationales "qui influencent les indigènes". Elle souscrit aux théories de l'essayiste argentin Jorge Orduna, auteur de deux livres polémiques : 'Éco fascisme' et 'ONG : les mensonges de l'aide', dans lesquels il explique la relation entre l'intérêt pour l'écologie et la continuation de la domination à travers du non développement local.

Plus au nord dans l'Orient, à Misahualli, en pleine forêt amazonienne dans la province de Napo, se trouve la communauté quechua Shiripuno. Là les ONG écologiques sont arrivées : avant ils cultivaient et chassaient leurs aliments, maintenant ils cultivent peu, achètent le reste et ne chassent plus : ils sont écologiques et vivent du tourisme communautaire durable.

L'idée très moderne du respect pour la tradition ancestrale de la Pachamama est arrivée à Misahualli de la main de deux organisations françaises -Planète Coeur et Coup de Mains-. Elles ne sont pas arrivés seules : le fils prodigue et leader de la tribu, Teodoro Rivadeneyra, a étudié en Angleterre. Il est biologiste, guide de tourisme et a fait les liens avec la vieille Europe.

A Shiripuno il y a des cabanes pour que les touristes expérimentent la tradition indigène. Elles ont été faites avec l'aide de volontaires français, qui pullulent encore là-bas. C'est un lieu sorti du temps, où n'entre pas la politique. A Shiripuno ils résolvent leur existence sans abîmer la terre. Dans d'autres parties, comme à Sevilla, règne encore la demande de travail au souverain. Dans les deux endroits on vit de la nature et ils exigent leur non exploitation.

L'histoire de l'Équateur marque autre chose. "Cela fait quarante ans que les entreprises étrangères sont là. Ce serait bien que l'État le fasse", lâche Garcés. Les indigènes continuent la lutte et, bien qu'ils aient raté les soulèvements de mars, ils promettent plus de mobilisations.

Dans un communiqué de la délégation de la Conaie qui a participé au Neuvième Forum Permanent de l'ONU à New York la dernière semaine d'avril, ils dénoncent la "violation des droits des peuples indigènes" et accusent le ministre des Ressources naturelles, Wilson Pastor Morris, de défendre l' "économie extractive néolibérale"

La tension menace de continuer. En dernière instance, le paradoxe est propre de l'existence indigène : ils sont la tradition vivante de leurs ancêtres, conservateurs par antonomase et, à la fois, fer de lance des causes progressistes du nouveau millénaire. Bien que, selon quelques voix, ils servent de soutien aux intérêts étrangers et à la droite nationale.


Sevilla (Equateur), Brian Majlin, Pagina/12, 07 mai 2010.
http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-145254-2010-05-07.html

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr
 
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