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Argentine : peuples originaires et paysans nouveaux acteurs politiques sur la scène sociale Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
14-10-2010

Des mobilisations, des coupures de route, des récupérations de terres et des présentations judiciaires. Des peuples originaires (indigènes) et paysans deviennent de plus en plus visibles à travers des conflits par leurs droits.

La Place de Mai a été le témoin cette année de deux inédites et massives mobilisations pour le paysage de Buenos Aires. La populaire marche indigène de mai dernier, où un cinquantaine de communautés de tout le pays ont voyagé durant dix jours et ont été reçus par la Présidente. En septembre dernier, le Premier Congrès du Mouvement National Paysan Indigène (MNCI) avec des communautés et des organisations de dix provinces qui a aussi culminé avec une massive manifestation sur la place. Dans l'année du Bicentenaire (de l'indépendance argentine), des peuples indigènes avancent en organisation, visibilité et renforcement de leur principale revendications : le  territoire. Ils s'affrontent, et l'emportent, aux entreprises minières, pétrolières, du soja et touristiques.

À mesure que le modèle extractif essaie de s'étendre en Argentine, les peuples originaires s'érigent en acteurs de la résistance. L'action directe - marches, coupures de routes - se complète avec la voie politique et judiciaire. S'y ajoute la récupération de terres, avec la législation internationale qui l'avalise.

Dans son relèvement de conflits, le Réseau Agro-forestier (Redaf) signale comme un fait positif que dans 98 pour cent des cas existe un rôle principal des propres victimes,  paysans et indigènes, où est identifiée la formation d'un sujet collectif organisé qui résiste et lutte pour ses droits. En parallèle, il explique que les disputes territoriales ne se résolvent ni facilement ni rapidement. Et il conclut : "nous sommes devant le commencement d'un long processus de conflit autour du territoire des paysans et des indigènes".

L'exploitation de mines à grande échelle, avec de grande consommation d'eau et l'utilisation de substances toxiques, a crû dans la dernière décennie de manière exponentielle. Une centaine d'assemblées socio-environnementales sont nées en rejet de l'activité, et a crû aussi l'organisation des peuples indigènes. Ingeniero Jacobacci (province de Río Negro), Campana Mahuida et Loncopué (Neuquén) et Tilcara (Jujuy) sont des lieux où des communautés indigènes ont réussi à freiner des projets miniers au moyen de présentations au Pouvoir Judiciaire.

Aussi l'action directe, une coupure de la route de trois mois, est l'action de visibilisation du conflit à Formosa de la Communauté La Primavera, 850 familles qom qui réclament les 2042 hectares où elles ont toujours vécu. Ils sont clôturés par des entrepreneurs du soja (OGM) et des éleveurs, et par d'autres deux acteurs de poids. "Le gouvernement provincial et les juges qui ne respectent pas nos droits. Cela ne nous plaît pas de couper la route, ils nous menacent, ils nous envoient des hommes de main et des policiers pour nous frapper", a dénoncé Félix Díaz.

Contre le modèle agricole (presque une monoculture de soja transgénique, NdT) et ses conséquences s’organisent et résistent aussi des communautés des provinces du Chaco, de Santiago del Estero et de Salta. Elles coupent des routes, par exemple le peuple wichí de Tartagal, et recourent à la Justice, comme les sept communautés qui en décembre 2008 ont obtenu que la Cour Suprême de Justice mettent un terme à la déforestation et au déboisement.

Egalement face au soja, les communautés de Santiago del Estero mettent en cause le modèle agricole. Là aussi a lieu une autre forme de résistance : des familles ancestrales qui forment le Mouvement Paysan de Santiago (Mocase-Via Campesina) commencent à reconnaître leurs racines, elles s’affrontent à la discrimination historique et se reconnaissent comme peuples lule-vilela, guaicurú, diaguita, sanavirón et tonocoté. "Dans les dernières années on a récupéré l'identité d'environ trente communautés. Et sans doute c'est une forme de lutte, de commencer à récupérer l'histoire", a affirmé Angel Strapazzón, du Mocase-Via Campesina. Là l'État comptabilisait début 2000 seulement dix-neuf villages indigènes. À partir de l'organisation maintenant on reconnaît l'existence de 31 peuples originaires.

Dans la province de Missiones, il n'y a pas de soja, mais une autre monoculture : le forestier, avec le pin de cellulose à la tête. La communauté guarani Alecrín dispose de 14.300 hectares dans la municipalité de San Pedro, à 170 kilomètres au sud de Puerto Iguazú. Une entreprise forestière est arrivée en 2007, elle a détruit la ferme de la communauté. Elle avait pour objectif de couper le bois natif pour semer des pins. L'organisation de la communauté indigène a empêché qu'ils les expulsent de leurs terres et que l'État applique la Loi 26.160, qui suspend les expulsions et ordonne un cadastre de terres.

Le peuple Mapuche impulse une action directe qui est une référence pour d'autres ethnies : il  récupérera le territoire qui leur a été enlevé. Consumées les instances administratives, et avec les lois qui les protègent, ils ont récupéré 250 mille hectares dans les provinces du Chubut, de Rio Negro et de Neuquén. Sans jamais affecter de petits producteurs, toujours des entreprises ou des grands fermiers.

"Le danger de perdre ce que nous avons et le fait de prendre conscience de nos droits permet que nous exigions ce qui nous correspond. C'est un processus lent mais irréversible", explique avec  patience Mario Quinteros, dirigeant de l'Union des Peuples de la Nation Diaguita (UPND), une des organisations qui a le plus crû dans les dernières années.

A un an du meurtre du cacique Javier Chocobar, le 12 octobre 2009, la nation diaguita convoque aujourd'hui - auprès d'organisations sociales - à marcher pour que justice soit faite : les juges n'ont toujours pas élevé le meurtre à un procès et les accusés sont en liberté. "Chocobar a été assassiné pour défendre son territoire. Il y a des preuves accablantes, y compris une video, mais la loi ne s'accomplit pas, comme ne s'accomplit pas non plus la loi concernant nos territoires", s'irrite Quinteros, il fait un long silence et annonce : "Comme peuples indigènes de tout le pays nous n'obtenons pas la justice, alors nous nous organisons, nous mobilisons et luttons en y mettant le corps, comme Chocobar, bien qu'il nous en coûte la vie".

Dario Aranda, Pagina/12, 12 octobre 2010.
http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-154771-2010-10-12.html

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

 
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