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Argentine: les Etats-Unis connaissaient le vol de la mort Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
23-06-2007
L'avocat uruguayen Lopez Goldaracena a divulgué cette semaine un document déclassé de l'ambassade nord-américaine. Il détaille les noms de vingt uruguayens qui auraient été transférés de Buenos Aires à Montevideo en avril 1978.

En 1978, la délégation argentine de l'Acnur -l'agence pour les réfugiés des Nations Unies- faisait une inédite dénonciation à l'ambassade étasunienne. Vingt réfugiés uruguayens avaient été arrêtés à Buenos Aires lors d'opérations conjointes avec les forces uruguayennes et, plusieurs mois après, ont été "rendus" à Montevideo. La réaction des diplomates nord-américains a été d'écrire un rapport confidentielle et de l'envoyer au Département de la Défense à Washington, qui alors gardait jalousement tous les détails des dictatures latinoaméricaines. Presque trois décennies ont passé et le gouvernement étasunien a maintenu le silence. Il y a un mois, l'avocat uruguayen Oscar Lopez Goldaracena a sorti à la lumière le cas et l'a transmis à la Justice, en utilisant,  entre autres preuves, le rapport que les services secrets étasuniens n'ont jamais voulu divulguer.

D'autres documents déclassés de l'Ambassade des États-Unis avaient déjà prouvé que Washington n'était pas étranger à ce qui se passait dans le Cône Sur. Les diplomates et les agents des services secrets qui alors circulaient dans les ambassades étasunienne de Buenos Aires, Montevideo, Rio de janeiro et Santiago du Chili, rapportaient chaque semaine les disparitions, les arrestations, les dénonciations de torture et les exécutions. Ils expliquaient aussi et donnaient des détails sur la coopération entre les forces répressives de la région, plus connue comme le Plan Condor.

Un document déclassé de l'ambassade étasunienne confirmait déjà la coopération entre les dictatures argentines et uruguayennes en novembre 1976. Dans un rapport dirigé au Département d'État, Robert Hill, l'ambassadeur de l'époque, signalait l'arrestation et la disparition de presque 40 uruguayens à Buenos Aires. Au-delà de ses déclarations publiques de cette époque, dans le privé Hill soutenait que les versions officielles sur les supposés guerrilleros n'étaient pas croyables. Selon les principaux et les plus anciens journaux argentins, les uruguayens auraient simulé leurs propres disparitions pour discréditer les deux dictatures.

Mais le rapport qu'a divulgué cette semaine Lopez Goldaracena se distingue du reste des documents étasuniens déclassés. Il est inhabituellement détaillé. Le successeur de Hill, Raul Castro, a rédigé une liste avec nom et prénom des 20 uruguayens qui auraient été clandestinement déplacés de Buenos Aires à Montevideo en avril 1978. Selon le diplomate, l'ambassade aurait obtenu semblable information au travers du bureau de l'Acnur. La délégation de l'agence internationale s'était rendue à l'ambassade étasunienne dans l'espoir  d'obtenir l'aide de la Maison Blanche. L'Acnur avait déjà présenté des dénonciations à la Chancellerie argentine. Par exemple, elle avait prévenu qu'une personne avait téléphoné à la famille de l'un des disparus uruguayens à Buenos Aires pour lui demander une rançon de huit mille dollars. Si elle la payaient, il serait acquitté de toutes les charges une fois de retour à Montevideo. Aujourd'hui on ne sait même pas comment a terminé cette histoire. Le Département d'État nord-américain a censuré le nom du détenu-disparu uruguayen avant de déclasser et de diffuser le document.

L'Acnur avait aussi informé que les autorités argentines auraient avalisé des opérations d'intelligence de l'armée uruguayenne à Buenos Aires entre fin 1977 et début 1978. Cette coopération entre les dictatures argentine et uruguayenne se reflétait aussi dans l'échange de prisonniers politiques. L'Acnur, selon le document étasunien, soupçonnait la même chose que  Lopez Goldaracena aujourd'hui. Le transfert par avion des 20 militants uruguayens de gauche à Montevideo a été une dévolution de faveurs entre les régimes de facto. La dictature uruguayenne, alors dirigée par Aparicio Mendez, a fait sa partie et a remis Oscar de Gregorio. Le militant montonero (guerrilla péroniste) avait été arrêté par la Préfecture Navale Uruguayenne à Colonia quelques mois auparavant. Aujourd'hui il est toujours disparu.

Le document que Lopez Goldaracena a présenté mardi dernier pour confirmer son investigation a non  seulement compliqué encore plus la situation des hauts commandements militaires uruguayens qui en 1977 et 1978 ont dirigé le pays et la répression illégale, mais de plus il a confirmé la complicité du gouvernement des États-Unis avec les dictatures latino-américaines. "L'ambassade remercierait tout type d'information autour de la réapparition ou de l'état de ces personnes", terminait son rapport l'ambassadeur Raul Castro. Nous ne savons pas s'il y a eu une réponse. Si les services secrets étasuniens ont finalement révélé ce que Lopez Goldaracena a mit des mois d'enquête pour le savoir. Tous ceux qui ont voyagé dans le dénommé troisième vol de la mort à Montevideo ont été exécutés après avoir foulé le territoire uruguayen. Leurs corps seraient encore enterrés dans un domaine militaire.

Pagina/12, 22 juin 2007. Traduction: http://amerikenlutte.free.fr

 
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