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Tacueyó : « Ce sont des enfants sans expérience, qu'aujourd'hui, on doit recouvrir de terre. » Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
08-04-2011

NOUS N'OUBLIONS PAS et rappelons les faits survenus le 26 mars dernier, dans le secteur de Gargantillas du Resguardo de Tacueyó, Municipio de Toribio, où la police nationale, avec l'aide aérienne du “Commando jungle antinarcotiques”, a bombardé un campement du Sixième Front des FARC, « intégré par des forces spéciales, [et] où la force publique a abattu quinze terroristes » selon les commentaires du président Juan Manuel Santos.

 NOUS N'OUBLIONS PAS que ces dites « forces spéciales » étaient pour la majorité des enfants et des jeunes récemment engagés, selon les témoignages de la communauté, dans un campement qui existait depuis environ 20 jours.

 NOUS N'OUBLIONS PAS et nous continuons à dénoncer que, comme l'a manifesté la communauté, deux civils – Edgar Fabián Silva Ipia y Manuel Ipia de El Triunfo de Tacueyó – ont été portés disparus durant l'opération militaire, alors qu'ils allaient chercher un proche blessé, dans un exercice humanitaire. Le 29 mars, dans les installations de médecine légale de Cali, les deux communards mentionnés ont été retrouvés morts, comptés dans les quinze terroristes présumés abattus lors de l'opération militaire.

Cette horreur n'est pas une fatalité. Ni un hasard. C'est le fruit vénéneux d'une situation structurelle qui dure depuis des années. C'est la guerre du Capital aux peuples indigènes pour le contrôle de son territoire, pour voler les ressources naturelles dont regorge la Terre foulée par les pauvres gens. L'Eau, la Terre, les mines, la Vie même est source de profits. Le Capital a des armes quand les pauvres disposent seulement de chair à canon, et dans ce grand commerce qu'est la guerre, eux seuls tombent. En chiffre cela se traduit par 12. 213 millions de dollars. Le budget de la guerre en Colombie. Quand le budget de l'éducation est seulement de 11.663 millions de dollars. 
Dans le Resguardo de Tacueyó, les villageois ont supporté sept combats entre les groupes armés depuis début 2011, c'est à dire en 3 mois.

 Mais la pluie de balles ne fait pas pousser les cultures, et dans cette zone, les communards vivent dans la pauvreté. L'éducation, la santé, les vêtements et la nourriture ne sont pas offerts. Économiquement, le prix est difficile à assumer par les familles. Dans le hameau du Triunfo, la mère de Diego, un enfant de 15 ans tué par le bombardement, doit aller travailler jusqu'à El Naya pour donner à manger à ses enfants et leur permettre d'aller à l'école. Des fois, les enfants eux-mêmes doivent travailler pour apprendre.

 Mais le prix social est encore plus grand. Pendant que la maman se tue à la tache pour élever ses enfants, Diego et ses frères et sœurs sont tous seuls chez eux. Dans son école, le Collège Quitin Lame, on ne peut pas s'occuper des enfants comme on le voudrait : manque de ressources, groupes de 30 à 40 élèves, des 45 professeurs il n'y a que 10 fonctionnaires et le reste sont des contractuels, recrutés avec des mois de retard. Ces enfants sont des proies faciles : la guérilla leur offre des portables, des motos, ou simplement les invite à manger un sancocho, et ils se retrouvent le jour suivant avec un camouflage et un  AK-47 dans les mains, à la place du stylo.
 Le vendredi Diego était à l'école, le dimanche à la morgue. « Ce sont des enfants sans expérience, qu'aujourd'hui, on doit recouvrir de terre. » a déploré le Président de El Triunfo.

 Le gouvernement prétend protéger la population de la guérilla. Il est venu avec ses avions, ils ont bombardé, ont tué des guérilleros, enfin, des enfants, des jeunes. ET MAINTENANT ?
La communauté est délaissée, avec ses morts. Le gouvernement ne se fait pas responsable des conséquences qu'impliquent ses actes. Combien de parents en dépression après avoir perdu leurs enfants ? Pour les frères, les sœurs, les camarades de classe, il ne reste qu'un grand vide. La douleur et la crainte remplissent ces absences. Comme elles ont eu raison de ce père qui s'est suicidé quand il a su la mort de son fils. Ce sont ces combats répétés qui ont amené ce civil, un des deux assassinés, à aller chercher son frère dans le campement bombardé. Parce que, déjà, il vivait  avec la douleur de la mort de sa sœur, qui fut victime de combats entre groupes armés en mai 2010, et un de plus n'était plus supportable...

 Mis à part la santé morale, les effets de ces actions de guerre sont multiples. Les bombardements et les tirs laissent de dangereux fragments actifs dans le sol. Ils contaminent aussi les sous-sols, les eaux et les cultures de la communauté. Le sang et les restes de chair humaine, éparpillés par les chiens, répandent des bactéries dans les alentours. La santé humaine et environnementale est sérieusement en danger dans la zone.

 Ces jours-ci les familles entèrent leurs proches. Ils n'ont toujours pas reçu d'assistance de la part du gouvernement, ils ne savent pas qui est responsable de l'assassinat de ces deux communards. En tant que peuples indigènes, nous avons droit à la Justice, nous avons droit à des conditions de vie dignes pour pouvoir donner à nos enfants l'attention et l'amour nécessaire au bien-être et ainsi les protéger du recrutement, de la violence, de la mort.

 Pour ne pas être victimes, mais auteurs de leur vie et de leur territoire, les communautés indigènes, à travers de leurs autorités commencent à organiser l'assistance psychologique de la communauté. Parce que nous ne voulons pas de pitié mais du respect, nous appelons à la solidarité, l'unité et la défense intégrale du  Cxhab Wala Kiwe – Territoire du Grand Peuple avec des assemblées d'accompagnement et de défense territorial qui se réaliseront les 7 et 8 d'avril à  Tacueyó.

 STOP au recrutement, à l'utilisation et l'enrôlement d'enfants et de jeunes par le conflit armé, aux violations du droit international humanitaire, à l'irrespect des territoires et la stigmatisation des communautés indigènes, l'utilisation d'armes non conventionnelles et l'application de politiques nuisibles aux peuples indigènes.

Tejido de comunicación – Association de Cabildos Indigènes du Nord du Cauca (ACIN)

 
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