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Brésil: cinquième Congrès des Sans-Terre : à gauche et depuis la base Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
12-07-2007

Au milieu du triste panorama que présentent les gouvernements progressistes et de « gauche » du cône Sud (Argentine, Brésil, Chili et Uruguay), le récent congrès du Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST) est une note d’optimisme et d’espérance. Il s’agit du premier congrès réalisé sous le gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva par rapport auquel les 17 500 délégués qui se sont donné rendez-vous à Brasilia, du 11 au 15 juin, ont pris de claires distances.

Les précédents congrès avaient été convoqués dans des conjonctures politiques spéciales : le premier en 1985 durant la transition démocratique sous le mot d’ordre : « Sans réforme agraire il n’y a pas de démocratie ». Le deuxième se tint en 1990, dans une période de croissance et de consolidation du mouvement avec la consigne : « Occuper, résister, produire ». En 1995, le troisième congrès affronta la vague néolibérale et répressive, cherchant à élargir la lutte paysanne sous la bannière « Réforme agraire, une lutte de tous ». Le dernier avait eu lieu en 2000, sous le gouvernement anti-paysans de Fernando Henrique Cardoso avec le slogan « Un Brésil sans latifundium  ».

Au cours de ces 27 dernières années, les sans-terre se sont adaptés aux différentes conjonctures politiques, mais n’ont jamais cessé de mettre au centre l’occupation de terres, la production et l’éducation, et ils ont réalisé une véritable réforme agraire à partir d’en-bas. Ils sont aujourd’hui un demi-million de familles, 2 millions de personnes dans 5 000 installations (assentamentos) qui occupent 25 millions d’hectares, avec 1 500 écoles. Le MST compte sur 15 000 militants, a des dizaines d’écoles de formation et une université, l’Ecole Florestan Fernandes, et est aujourd’hui en mesure de former ses propres spécialistes et techniciens.

Dans son cinquième congrès, 40% des délégués étaient des femmes, le MST étant un des mouvements dans le monde qui favorise le plus la participation féminine à tous les niveaux. A cette occasion le slogan a été « Réforme agraire : pour la justice sociale et la souveraineté populaire », et les principaux débats se sont focalisés sur la compréhension de la nouvelle période d’accumulation du capital au niveau rural.

Marina dos Santos, de la Direction nationale, a souligné qu’il est nécessaire « de chercher de nouvelles formes de luttes et d’affrontement avec le latifundium à la campagne qui ne soient pas seulement l’occupation de terres », qui soient à la hauteur des défis que sont en train de lancer l’agrobusiness et les transnationales. De nouvelles méthodes de lutte et l’incitation à la participation des femmes et des jeunes sont quelques-uns des objectifs tracés.

Ce virage s’est en partie concrétisé le 8 mars 2006, quand 2 000 femmes sans-terre et de Via Campesina ont occupé une propriété de l’entreprise Aracruz et en ont détruit les cultures expérimentales et les laboratoires, ce pour quoi elles ont été criminalisées. Le 8 mars de cette année elles sont revenues à la charge et ont focalisé leurs actions contre diverses transnationales de l’agro et contre des usines d’éthanol, des actions qui ont coïncidé avec la visite de George W. Bush au Brésil.

Joao Pedro Stédile, coordinateur du mouvement, a affirmé qu’ils se trouvent face à un nouveau moment de la lutte pour la réforme agraire puisqu’il faut affronter un ennemi beaucoup plus puissant. « Quand a surgi le MST, l’idée était la réforme agraire dans la conception classique, qui consistait à lutter contre le latifundium  », alors que maintenant « nous vivons une période où c’est le capital financier qui est hégémonique et l’agriculture s’insère dans cette nouvelle modalité ». La possession de la terre ne suffit plus, il est devenu indispensable de préciser le modèle de développement alternatif.

Dans l’analyse de Stédile, le capital cherche à contrôler tout l’espace géographique, « le contrôle de la terre, de l’eau, de la biodiversité et tout ce qui a à voir avec le contrôle technologique ». C’est pour cette raison que parmi les principales revendications du MST ressort aujourd’hui la défense de l’environnement, qui est une forme d’approfondissement de sa lutte anti-capitaliste.

Enfin, les sans-terre se proposent de construire l’unité des mouvements sociaux et pour cela impulsent la convocation d’assemblées populaires « dans les municipes, les régions et les États  », comme le signale la Charte du Cinquième Congrès. Dans cette double lutte pour freiner l’avancée des monocultures de soja et de canne à sucre et à la fois tisser l’unité de ceux d’en bas, le MST est conscient qu’il ne peut gagner sans convoquer et mobiliser le gros du peuple brésilien. Bien qu’il ait reçu quelques démonstrations d’appui d’une poignée de députés de divers partis, il est clair pour le mouvement, comme l’a expliqué Gilmar Mauro, que « ce dont les gens ont besoin ne va pas venir du haut vers le bas », et que « la véritable réforme agraire n’est possible qu’en renversant l’État bourgeois ».

Tout cela est loin de représenter un virage idéologique. C’est quelque chose de plus profond : l’expérience récente avec le gouvernement de Lula, qui, durant ses quatre premières années, a installé seulement 85 000 familles alors que l’objectif initial était de 500 000, ajoutée à la lecture de la nouvelle réalité, impose de définir un nouveau cap pour le navire. Si en haut, on assiste à l’alliance de trois types de capital transnational - les entreprises pétrolières, l’industrie automobile et les multinationales de l’agro-industrie comme Monsanto et Cargill, appuyées par l’appareil étatique pour lancer la filière des agro-combustibles -, l’unité des secteurs populaires et de ce qui reste de la gauche s’impose à partir d’en bas. De même que le MST fait depuis longtemps une réforme agraire à partir d’en bas, maintenant il paraît déterminé à construire un pouvoir populaire à partir d’en bas aussi ; d’où l’appel à créer des assemblées populaires dans tout le pays.

Un des faits importants du congrès est l’adhésion de l’Ejercito Zapatista de Liberación Nacional (EZLN). Un communiqué signé par le sous-commandant insurgé Marcos indique que le mouvement « a notre ‘main sœur’, notre affection et notre respect, mais aussi notre admiration ». La rencontre de ceux qui luttent réconforte le coeur et alimente l’esprit. Surtout dans cette période si difficile pour les mouvements sociaux qui devant l’alliance des gouvernements avec les multinationales et l’empire, n’ont pas d’autre option que d’approfondir le combat pour enfanter un monde nouveau.

 

Raúl Zibechi, La Jornada (http://www.jornada.unam.mx), 29 juin 2007.

Traduction : Gérard Jugant et Fausto Giudice, membres de Tlaxcala (http://www.tlaxcala.es/), le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Traduction revue par l’équipe du RISAL.

RISAL - Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine
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