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Pérou: sous pression de l'armée, Garcia censure une caricature Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
25-07-2007

Sous la pression des militaires, le gouvernement d'Alan Garcia a censuré une exposition de caricatures politiques et a déclenché un scandale. Les principaux artistes et intellectuels du pays ont réagi en bloc contre cette censure. Les médias locaux qui en général, spécialement la télévision, ont l'habitude de se montrer très peu critique avec le gouvernement, ont cette fois durement critiqué la censure gouvernementale.

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L'Institut de Presse et Société (IPYS) que préside le journaliste Gustavo Gorriti a émis un communiqué, qualifiant cette censure d'"inadmissible" et "dangereuse" pour la démocratie. L'exposition de 90 caricatures du reconnu peintre et caricaturiste politique Piero Quijano, de 48 ans, a été censuré par le gouvernement après une exigence du commandant général de l'armée, d'Edwin Donayre, qui s'est plaint d'une caricature qui, parodiant la fameuse photo des militaires nord-américains plaçant leur drapeau sur la montagne Iwo Jima, évoque les violations des droits de l'homme commises par les militaires péruviens, présentant quatre soldats clouant une baïonnette sur le dos d'un paysan andin allongé sur une plate-forme sur laquelle on lit : "La Nation à ses Héros".

Après le veto militaire à cette caricature, les fonctionnaires de l'Institut National de Culture (INC) qui administre la galerie publique dans laquelle a lieu l'exposition, ont fait leur propre censure et ont exigé à l'artiste le retrait de deux autres caricatures. L'un de ces dessins censurés par l'INC a été publié dans la presse en 1995 et critique avec sarcasme la politique de privatisations du gouvernement d'Alberto Fujimori et le racisme régnant dans la société péruvienne, en montrant un Machu Picchu, le symbole de l'Empire Inca, privatisé avec un à la porte qui empêche l'entrée à un indigène; l'autre dessin censuré remet en cause le soutien d'Alan Garcia au Traité de Libre Commerce avec les États-Unis. Quijano n'a pas accepté la censure de ses trois dessins et a retiré l'exposition.

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Mais la censure n'a pas seulement été une affaire de militaires et de fonctionnaires du gouvernement, le  propre président Garcia l'a publiquement soutenue. "Vous avez la rue, vous avez votre foyer pour publier, mais dans un espace public nous n'allons pas permettre qu'il soit porté atteinte aux forces armées", a signalé  Garcia, visiblement géné par la caricature qui a  incommodé les militaires. Le président a défendu à plusieurs reprises les forces armées devant les accusations de tortures, de séquestrations et de meurtres durant la guerre interne contre la subversion armée entre 1980 et 2000. Une bonne partie de ces violations aux droits de l'homme ont eu lieu durant le premier gouvernement de Garcia (1985-90). Et toutes ces violations sont restées impunies. Selon le rapport de la Commission de la Vérité et de la Réconciliation (CVR) émis en 2003, la guerre interne a fait près de 70 mille morts, 75 pour cent d'entre eux  des paysans indigènes. Alors qu'il défend les militaires, le gouvernement a durement attaqué les organismes de défense des droits de l'homme, en arrivant même à accuser la Cour Interaméricaine de Droits de l'homme de "favoriser les terroristes" après que celle-ci ait pronocé un jugement condamnant le gouvernement de Fujimori pour l'exécution extrajudiciaire de 42 prisonniers du groupe armé Sentier Lumineux dans une prison de Lima en 1992. De hauts membres du gouvernement, comme le vice-président Luis Giampietri, qui est un amiral en retraite accusé de violations des droits de l'homme, ou le ministre de la Production, Rafael Rey, qui durant le régime de Fujimori a soutenu la loi d'amnistie fujimoriste aux violeurs des droits de l'homme, , ont ouvertement justifié la guerre sale pratiquée par les militaires. Bien que lentement, les tribunaux ont  commencé à initier des processus pénaux aux militaires impliqués dans des violations aux droits de l'homme, mais ils se sont heurtés aux obstacles mis en place par les forces armées et le Ministère de la Défense, qui refusent de révéler des informations et même de permettre l'accomplissement des ordres de capture contre des militaires en activité. "Le gouvernement a choisi comme priorité de garantir la défense des violeurs des droits de l'homme, leur attribuant des avocats, alors qu'il refuse le soutien aux victimes", a fait remarquer à Página/12 Francisco Soberón, directeur de l'Association Pro Derechos Human (Aprodeh).

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C'est dans ce contexte qu'a lieu la censure promue par les militaires de la caricature de Quijano qui dénonce les abus et les crimes commis par les forces armées, spécialement contre la population paysanne et indigène. Sur la caricature qui a déclenché la colère militaire et la censure officielle, Quijano signale qu' "en partant de la guerre sale des années 80 et 90, le dessin essaie de refléter l'historique conduite de répression et d'abus des militaires péruviens face aux civils, spécialement les paysans qui ont été leurs principales victimes. On peut ne pas être d'accord avec ce dessin, mais on ne peut pas le censurer". Sur un ton sarcastique, l'artiste s'interroge : "Pourquoi les militaires ont-ils tant peur d'un dessin ?, Serait-ce qu'ils ont la conscience sale pour ce qu'ils ont fait et qu'ils s'identifient à ce dessin ?"

Lima, Carlos Noriega, Pagina/12, 25 juillet 2007. Traduction: http://amerikenlutte.free.fr

 
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