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Argentine: le répresseur Patti arrêté pour séquestrations, disparitions et meurtres Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
25-11-2007
Patti a été arrêté pour séquestrations, disparitions et meurtres commis durant la dernière dictature militaire, lorsqu’il était policier au commissariat de la ville d’Escobar. Tel que l’avait avancé Página/12, il a été arrêté par le juge enquêtant sur les crimes commis au centre de détention Campo de Mayo. Il a présenté une requête et a refusé de déclarer.
Arrivé aux tribunaux fédéraux de San Martin avec une heure d’avance, il a demandé à ce que la démarche soit faite plus tôt que prévue. L’audience a duré deux heures,  le temps de la lecture des chefs d’accusations : les séquestrations de Diego Muniz Barreto et Juan Fernández, le meurtre de Gastón Gonçalves, les disparitions de Carlos Souto et de Luis et Guillermo D’Amico et la détention d’Osvaldo Arriosti. Pour toute réponse,  il s’est reporté à la requête présentée par son avocat. Le juge Alberto Suares a alors informé l’ancien sous-commissaire Luis Abelardo Patti qu’il demeurait  détenu.

Patti est arrivé accompagné de ses enfants, de son avocat, Silvio Ramon Duarte, et de sa belle-mère, l’ancienne députée Nélida Mansur. Patti étant déjà arrêté, la femme a apostrophé les membres du groupement HIJOS (Fil-le-s pour l’Identité et la Justice contre l’Oubli et le Silence). « C’est ça que vous voulez? Vous êtes contents? ». Et ils l’étaient. Mais ils étaient aussi émus. “Ça a commencé il y a 30 ans, quand ils ont séquestré mon père et l’ont enterré comme NN. Nous ne cherchons aucun profit, rien que jugement et châtiment » a exprimé Manuel Gonçalves, fils de Gastón. « Nous ne parlons pas de joie, mais nous disons que nous avons l’espoir que les choses se remettront à leur place et que la Justice agira correctement », a signalé Estela Carlotto, présidente des Grands-Mères de la Place de Mai dans une conférence de presse donnée par les organismes des droits de l’homme.

Après la détention de Patti, les membres de HIJOS qui étaient devant le tribunal ont été insultés par les militantes du Paufe (parti de Patti) qui s’y étaient rendus de bonne heure pour accompagner leur leader avec des pancartes avec l’inscription « Patti persécuté politique ». Alors que ses adhérentes criaient que l’on ne protège que les droits de l’homme des délinquants,  l’ancien sous-commissaire était déjà dans une voiture en route pour la cellule du palais des tribunaux, où il a passé l'examen médical. Finalement, il a été disposé qu’il serait logé au centre pénitencier de Marcos Paz, avec d’autres criminels tels que le curé Christian Von Wernich et l’ancien directeur d’enquêtes de la Police de Buenos Aires Miguel Etchecolatz.

 

“Compte tenu des typifications pénales et des peines prévues, il a été mis en détention préventive » a informé le tribunal. Suares Araujo a ordonné l’arrêt du répresseur, le considérant responsable des « privations de la liberté aggravées et application éventuelle de tourments » pour sept victimes.

L’ancien député Muniz Barreto et  son secrétaire Fernandez ont été séquestrés à Escobar en février 1977. Ils ont été emmenés au commissariat de la région, à l’Unité Régionale de Tigre puis au centre de détention Campo de Mayo, d'où ils sont sortis le 5 mars dans un Fiat 128, après avoir été endormis avec une subtsance. Ils ont été jetés avec la voiture dans une rivière près de Raíces Oeste, dans la province de Entre Ríos. Muniz Barreto est mort mais Fernandez a pu survivre et, avant de s’exiler, il a laissé son témoignage devant un notaire.

 

Patti est impliqué dans cette affaire depuis le début. L’ancienne épouse de Muniz Barreto l’avait dénoncé en 1977. C’est ce qui figure dans une plainte déposée par la femme devant la nonciature. Un ami de la famille a déclaré dans l’affaire que le 17 février, un homme est allé le voir de la part de Muniz Barreto (un proche parent de l’un des prisonniers du commissariat d’Escobar) et lui a remis un mot écrit par le député lui-même où il disait : « Bouge-toi vite, nous sommes à Escobar. C’est l’inspecteur Luis A. Patti qui nous a arrêtés ». Muniz Barreto a envoyé deux autres messages de ce genre à sa famille et dans son entreprise.

 

Une autre preuve rattachant l’ancien maire d’Escobar à ces faits est que, d’après le rapport du personnel du commissariat d’Escobar, Patti a été promu le 7 mars 1977, un jour après le meurtre de Muniz Barreto. « Il est su que, selon les us et coutumes des procédés de la police, le personnel est promu lorsqu’il « remplit  un objectif marqué » d’après le critère des supérieurs. À l’époque, la séquestration et l’élimination de « subversifs » étaient constamment récompensées avec médailles et promotion », a signalé Pablo Llonto, avocat de la famille, lorsqu’il a réclamé en octobre que Patti soit interrogé et arrêté. Le Secrétariat de Droits de l’Homme de la Nation s’est joint à la pétition.

 

Suares Araujo a décidé de convoquer Patti mais pas seulement pour cette affaire. La séquestration de Gaston Gonçalves est également une affaire dans laquelle le répresseur est impliqué depuis plusieurs années.

 

Gonçalves a été séquestré le 24 mars 1976 dans la ville de Zàrate. Deux témoins ont raconté qu’ils ont été détenus avec lui dans un camion cellulaire derrière le commissariat d’Escobar, où Patti remplissait les fonctions d’officier sous-inspecteur. Le 2 avril 1976, le cadavre de Gonçalves a été abandonné dans les parrages de « El Cazador », sur la route nº4. Il avait été fusillé puis calciné. Vingt ans après, le corps, qui était enterré au cimetière d’Escobar comme NN, a été identifié par l’Équipe Argentine d’Anthropologie Légiste.  Quelques mois après sa séquestration, Gonçalves et sa femme avaient eu une discussion avec Patti, en raison de l’organisation d’un meeting à Escobar. « Tu vas voir ce qu'il va t’arriver. Je vais te faire tuer », l’a menacé le policier.

 

Ana Oberlin, avocate de HIJOS et de la famille Gonçalves avait demandé la détention de Patti depuis au moins deux ans, mais l’affaire est passée par différents juges, avant de tomber entre les mains de Suares Arauja en début d’année. Depuis que l’affaire a été rouverte suite à l’annulation des lois de Point Final et Obéissance Due, ce magistrat enquête sur les crimes commis dans le centre clandestin qui a opéré à Campo de Mayo et dans la juridiction du Commando d’Instituts Militaires. Sur l’ancien dossier des années 80, le juge a relevé quatre autres faits pour lesquels Patti avait été dénoncé. Il s’agit des détentions illégales de Souto, des frères D’Amico et d’Arriosti. Ces séquestrations se sont produites en mars 1977 dans la zone de Garin, province de Buenos Aires. Arriosti a survécu à sa captivité et a identifié Patti comme l’un des hommes l’ayant capturé.

 

Et ce ne sont pas les seules affaires ouvertes contre le répresseur. Depuis déjà quelque temps, le juge fédéral de San Nicolas, Carlos Villafuerte Ruzo, doit se prononcer sur une demande de réouverture de l’enquête pour les meurtres d’Eduardo Perreira Rossi et d’Osvaldo Cambiasso. Et il a aussi des comptes à rendre dans la ville de La Plata.

 

Suares Araujo doit décider dans les prochains jours si le répresseur est mis en examen. Le sort de Patti sera ensuite entre les mains de la Chambre Fédérale de San Martin. « Nous espérons que ce tribunal reprenne les choses en main et n’agisse pas comme il l’a fait à d’autres occasions », a exprimé Llonto.

 

Il y a un mois à peine, Patti a été candidat au gouvernement de la province de Buenos Aires. Il a obtenu 2,48 pour cent des voix. Il avait eu plus de chance deux ans auparavant : il avait réussi à être élu député national. Mais les membres de la Chambre l’ont empêché d’assumer. Après avoir entendu les victimes et témoins et avoir donné à l’accusé la possibilité de se défendre, les législateurs ont décidé que Patti n’avait pas « d’aptitude morale » pour exercer cette fonction. Ses privilèges en tant que député, qu’il prétendait encore invoquer, lui auraient fait éviter la prison, ou auraient, du moins, compliqué sa venue dans la cellule de Marcos Paz.

 

Victoria Ginzberg, Página/12, 23 Novembre 2007. Traduction: Elina

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