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Venezuela : les leçons de la défaite de Chavez Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
05-12-2007
Hugo Chávez n’a pas pu gagner l’épreuve de force au Venezuela pour la onzième fois consécutive. Son projet de réforme constitutionnelle a été battu dans les urnes. Il a atteint 49.29 pour cent des voix. Très au-dessous du soutien qu’il a obtenu quand il a été élu président avec 63 pour cent des suffrages, ou lors du référendum révocatoire de 2004, où il en a obtenu 59 pour cent.

Ceux qui ont accusé le mandataire de dictateur et de tyran ont eu toutes les garanties pour faire une campagne contre la réforme constitutionnelle. Télévisions, radios et presse ont dit ce qu’elles ont voulu. L’opposition est descendue plusieurs fois dans les rues. Ses questionnements de l’impartialité du Conseil National Électoral (CNE) ont semblé sans fondement. Le président a accepté sans titubations et avec rapidité son revers.

La proposition de réforme constitutionnelle a fait face à une sale campagne de discrédit. Les États-Unis se sont activement engagés en soutien à l’opposition. Mais cela n’explique pas le revers gouvernemental. Les ennemis de la révolution bolivarienne l’ont fait à chaque fois où il y a eu des consultations populaires ou des élections et, jusqu’à présent, ils avaient toujours perdu.

La nouveauté de ce 2 décembre à l’égard des conflits antérieurs n’est pas le fait qu’une nouvelle majorité d’opposition stable se soit constituée. L’opposition a à peine augmenté sa votation de 300 mille suffrages. Non, la vraie différence est venue du fait que la réforme constitutionnelle n’a pas compté sur l’aval de secteurs importants du chavisme qui ont promu l’abstention ou le vote contre. L’abstention a été très grande.

S’est opposé au projet, le social-démocrate Podemos, membre de la coalition avec laquelle Chávez a triomphé dans les élections de l’année dernière. Le général Raúl Baduel, fondateur du MBR-200 et acteur clef dans l’avortement du coup d’Etat de 2002 contre Chavez a objecté la réforme. Des académiciens de gauche et des forces de la gauche radicale ont refusé la réforme. Des gouverneurs et des maires chavistes ont résisté à la réforme, mécontents de l’impossibilité de se réélire et la perte d’autonomie.

Les raisons de ce rejet sont diverses. Pour beaucoup, ce n’était pas une réforme nécessaire et à l’intérieur de l’actuel cadre constitutionnel il y avait un espace suffisant pour approfondir le changement. Certains ont signalé de graves déficiences techniques et juridiques dans sa rédaction. D’autres sont prévenus que la voie n’était pas la bonne pour un processus qui dans les faits était un changement de régime ; au lieu d’une réforme constitutionnelle, ils ont argumenté qu’il fallait convoquer à une Assemblée Nationale Constituante.

A aussi alimenté le vote négatif le manque de clarté sur ce qui s’entend par socialisme du XXIe siècle et la conviction qu’on arrive pas au socialisme par décret ou au moyen d’une réforme légale. Selon Margarita López Maya, une des grandes faiblesses de la réforme "est de projeter que nous allons à un socialisme qui n’a pas été défini. S’il n’y a pas eu un débat des vénézuéliens sur ce qui se comprend par socialisme du XXIe siècle : pourquoi devons-nous hâtivement introduire cela dans une nouvelle constitution ?"

Le malaise de quelques secteurs de gauche avec la formation du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) et la dissolution de leurs organisations fait parti du désenchantement envers le chavisme de la part de vieux adeptes. De la même manière, le projet a été critiqué parce qu’il menaçait de démanteler les organisations populaires autonomes en les transformant en partie de l’État.

Au-delà des critiques à son encontre, la réforme s’insérait dans un processus de transformations qui ont modifié la carte politique de l’Amérique latine. Dans la région les projets politiques qui cherchent à refonder les états-nations, à délimiter la démocratie oligarchique, à impulser la démocratie participative, à sortir du néolibéralisme et à avancer dans des processus d’intégration économique qui n’a pas comme axe le libre commerce avancent. Il y a un effondrement des partis et des classes politiques traditionnelles et un changement d’élites. La combinaison de protestations populaires et de votes a ouvert une inédite étape de transformations sociales.

En Bolivie et en Équateur, des processus constituants sont en marche. Le référendum sur les autonomies régionales en Bolivie en 2006, le référendum au Panama sur l’agrandissement du Canal de Panama en 2006 et la récente consultation au Costa Rica sur la signature d’un Traité de Libre Echange avec les Etats-Unis font partis de cette tendance.

En Bolivie, au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, au Nicaragua, au Pérou et au Venezuela, des présidents et ex-présidents ont cherché à revenir en poste. Sauf Jorge Quiroga, en Bolivie, tous les autres ex-présidents ont obtenu leur réélection.

Dans le cas vénézuélien, la réforme refusée faisait partie d’une offensive qui s’appuit sur la combinaison d’une croissance économique soutenue sans précédents, la redistribution de la rente pétrolière vers les secteurs les plus défavorisés et le protagonisme des secteurs populaires. En accord avec une étude de la CEPAL, la pauvreté a diminué au Venezuela de plus de 18 pour cent entre 2002 et 2006, en passant de 48.6 pour cent de la population à 30.2. D’autres études montrent comment l’indigence est tombée de 30.2 à 9.9 pour cent, et le chômage de 20 à 7 pour cent.

En accord avec la dernière enquête de Latinobarómetro, 52 pour cent des vénézuéliens pensent que la situation économique est très bonne ou bonne, contre 43 pour cent l’année dernière. L’optimisme ne fait pas défaut dans cette nation. Soixante pour cent des personnes consultées confient que 2008 sera mieux encore. Le même sondage estime que 61 pour cent des vénézuéliens approuvent Chávez, 66 pour cent ont de la confiance dans le gouvernement et 60 pour cent dans le président. Le Vénézuéla est le second pays dans la région où la population est satisfaite avec la démocratie.

L’échec dans le référendum du 2 décembre n’implique pas que la droite cessera de continuer à ramer à contre courant. Le Vénézuéla s’est réveillé avec le même président (qui le sera encore dans les cinq prochaines années), le même cadre légal et le même tissu populaire. Il ne s’est pas formé une nouvelle majorité.

À cette occasion, Hugo Chavez, en perdant, est sorti gagnant.

Luis Hernández Navarro, "Venezuela : ramer contre le courant", La Jornada (Mexique), 04 décembre 2007. Traduction : http://amerikenlutte.free.fr

http://www.jornada.unam.mx/2007/12/04/index.php ?section=opinion&article=023a1pol

 
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