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Bolivie: panorama général Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
20-05-2008
Siège académique de Flacso (Faculté Latinoaméricaine de Sciences Sociales) à Buenos Aires. Jeudi, 18 heure. Trois éminents analystes boliviens, deux sociologues et un économiste décrivent la situation dans leur pays après le référendum autonomique de la préfecture de Santa Cruz.
 
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Synthèse succinte de ce qu'il s'est dit : après un an et demi de prospérité et d'optimisme sans précédents dans l'histoire du pays, la situation a commencé à se compliquer dans les six derniers mois mais dans les derniers jours se sont produites des choses positives et une fois encore une lumière apparaît à la fin du tunnel.

Le premier à s'exprimé a été Fernando Calderón, sociologue généralement consulté par les leaders de la nouvelle gauche latino-américaine et du gouvernement bolivien, auteur de vingt livres, professeur dans d'importantes universités de Bolivie, des États-Unis, d'Espagne et du Chili. Calderon a fait un petit compte-rendu historique de comment les différents pouvoirs en lutte dans son pays sont apparus lors du référendum autonomique de Santa Cruz, un acte de rupture que la Cour Nationale Électorale avait interdit. Il a souligné que les différentes régions boliviennes articulent leurs économies depuis des décennies avec les centres économiques de l'Amazonie, de (l'Etat brésilien) Matto Grosso, du bassin du Rio de La Plata et de la Région Andine. Qu'il existe aussi une Bolivie minière, une bolivie du soja, une Bolivie gazière et une Bolivie cocalera et que ces économies n'ont pas  beaucoup à voir entre elles. Mais que malgré ces différences, le pays a toujours eu une vocation d'intégration.

Calderon a aussi dit que l'oligarchie cruceña n'est pas seule, derrière le référendum se cachent d'autres forces et il a donné un exemple : la grande majorité des champs de soja à Santa Cruz appartiennent aux entrepreneurs brésiliens. Il a parlé, de plus, du gouvernement d'Evo Morales et a dit que le soutient une demande des peuples originaires, spécialement l'aymara, qui réclament un traitement égalitaire face à l'Etat, traitement qu'ils n'ont jamais eu. Les relations culturelles en Bolivie ont été toujours basées sur la dialectique de la négation de l'autre.

C'est pour cela que la Bolivie est divisée en sociétés régionales qui, alliées aux groupes ethniques, luttent pour contrôler l'État national. Il y a un siècle, ce conflit a dérivé en une guerre qu'a gagné l'occident et qui l'a porté à transférer le Congrès bolivien de Cochabamba à La Paz, et à la consolidation de l'axe minier La Paz-Oruro-Potosí comme force dominante. Après il y a eu la révolution de 1952, qui a apporté le vote universel, mais n'a pas pu résoudre les problèmes structuraux du pays. Après les mines se sont épuisées et dans les années 90, la Bolivie s'est convertie en meilleur élève du FMI et a privatisé tout ce qu'elle a pu. Elle a suivi au pied de la lettre le manuel néolibéral et a terminé détruite et divisée. Elle a touché le fond. En 2005, a été élu président Evo Morales, un aymara par origine et tradition, identifiée avec le langage et la symbolique clasiste en rasion de son extraction syndicale, et aussi comme membre de la nouvelle classe moyenne urbaine bolivienne, avec la tradition nationaliste populaire provenant du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire. Le système des partis politiques s'ayant épuisé, le défi de Morales a été d'amalgamer l'idée de démocratie multiculturelle à l'intérieur d'un système représentatif. Jusqu'ici est arrivée la synthèse Calderon.

L'économiste Armando Ortuño Yañez, ex ministre du Plan et ambassadeur devant l'Union Européenne des brefs gouvernements qui ont précédé celui de Morales, aujourd'hui lié au programme de développement des Nations Unies, a ensuite prit la parole. Ortuño a accompagné ses mots d'une présentation Power Point avec des données très intéressantes, surtout ceux qui montraient,en des termes économiques, le rapport de forces entre les régions et l'État national. Il a commencé par dire que les indicateurs fondamentaux de la Bolivie vont bien, comme jamais. Pour la première fois dans son histoire, elle a un excédent fiscal depuis trois ans consécutifs. L'économie, les entrées fiscales, les exportations ont beaucoup crûes, les dépenses publiques ont été très faibles et, jusqu'à cette année, l'inflation a été basse. La Bolivie a aujourd'hui une économie en expansion. L'économiste a alors expliqué que le modèle économique d'Evo Morales, qu'il a taxé de "néo développement" (neodesarrollista) se base sur deux piliers.

D'un côté, dans l'appropriation de la rente au travers des nationalisations. Cette politique a permis à l'État d'augmenter de 18 à 50 pour cent les "impôts" (regalias) pour ses hydrocarbures. Et cela s'est fait de manière telle que les investissements n'ont pas déclinés parce que les multinationales sont restées dans le pays, associées aux entreprises étatiques. Sur cet aspect, personne ne peut discuter le succès du gouvernement et l'électorat bolivien le reconnaît, bien que dans les derniers mois la hausse du prix des aliments et de la dépense publique ait engendré une inflation et un  certain malaise.

L'autre pilier est la politique distributive et à ce niveau, peu a été fait. L'économiste a expliqué qu'une grande partie des entrées dans les coffres du gouvernement en provenance des minerais et des hydrocarbures sont dérivées de manière automatique vers les départements ou les préfectures et aux municipalités.

La Bolivie est un des pays du monde le plus décentralisé au niveau fiscal. Entre 2005 et 2006, les recettes du gouvernement ont augmenté de 24 pour cent, alors que celles des préfectures a augmenté de 85 pour cent et celles des municipalités de 122 pour cent. Dans la même période, le gouvernement a seulement augmenté la dépense publique de six pour cent, les préfectures de 68 pour cent et les municipalités de 34 pour cent. Conclusion : de tous les investissemnets publics en Bolivie, presque trois quart sont exécutés par les préfectures et les municipalités. La conséquence de ces restrictions macroéconomiques est que tandis que les secteurs miniers et des hydrocarbures ont plus que doublé leur productivité dans les trois dernières années, le reste de l'économie a stagné. La meilleure politique de distribution est de faire croître les secteurs qui engendrent le plus de travail, mais en Bolivie l'équation continue d'être à l'envers. Pour cela l'importance des programmes sociaux que le gouvernement a pu mettre en application comme la Rente Dignité, une retraite universelle de 40 dollars, qui a détoné le choc avec les préfectures. Dans les derniers mois, le gouvernement de Morales a commencé à intervenir davantage sur le marché domestique avec des mesures comme la suspension des exportations pour faire descendre le prix de l'huile. Mais l'idée de produire des biens et des services à valeur ajoutée pour engendrer des marchés internes dynamiques et pour varier le menu des exportations est toujours en attente d'exécution.

Toute cette situation conflue dans une Assemblée Constituante frustrée et, à partir d'elle, le partage du pays entre deux projets : la nouvelle Constitution multiculturelle et représentative du gouvernement et de ses alliés, et les statuts autonomes des préfectures. Là commence la présentation du sociologue Antonio Araníbar, formé en Europe, coauteur des derniers rapports sur le développement en Bolivie de la PNUD.

Araníbar, citant des enquêtes, dit que dans les derniers mois, en Bolivie, le pessimisme a augmenté. Mais qu'il y a dix jours a eu lieu quelque chose d'encourageant : le gouvernement et l'opposition se sont mis d'accord pour mettre en marche une série de référendums pour revalider les mandats du président, de son vice, et des neuf préfets. Comme tous sont d'accord, les référendums  auront toutes les garanties de la justice électorale et de la présence d'observateurs internationaux. "Il y a des  référendums qui unissent et d'autres qui divisent", a dit le sociologue. Il a exhibé un graphique : les référendums autonomiques produisent un rejet qui va de 60 à 80 pour cent dans l'occident bolivien. Le référendum pour la nouvelle constitution provoque presque le même niveau de rejet, mais dans l'orient du pays. En revanche, le référendum révocatoire qui vient d'être approuvé a un haut niveau d'acceptation dans tout le pays.

Le référendum révocatoire sert au moins à gagner du temps parce qu'il repousse les consultations divisionnistes. Mais de plus il permet de réunir à nouveau les différents acteurs autour d'une table et il renforce les secteurs les moins radicalisés des deux côtés.

L'autre donnée positive que le sociologue signale, même si elle s'inscrit dans un panorama préoccupant, est que dans le référendum de Santa Cruz n'ont pas eu lieu les actes violents que beaucoup attendaient. Pour qu'il en fut ainsi, la médiation internationale a été très importante. Elle a obtenu que les acteurs accordent une série de lois non écrites pour que les choses ne dégénèrent pas : le gouvernement et les forces armées ont accepté de ne pas réprimer si Santa Cruz ne prenait pas de mesures pour militariser sa protestation.

Le séminaire de la Flacso a continué et beaucoup plus de choses ont été dites, toutes intéressantes. Calderon a signalé que les facteurs internationaux jouent un rôle important dans les évènements, surtout la concurrence entre Lula et Chávez, et que dans ce contexte l'Argentine peut et devrait avoir un rôle plus actif.

Est restée la sensation que la Bolivie est comme un jeu de poupées russes. La première, la plus grande, est son histoire de siècles de misère et d'exploitation. La suivante est l'espérance que signifie le gouvernement d'Evo Morales et tout ce qu'il représente au niveau culturel, économique et politique. La troisième est l'échec, temporaire ou partiel si on veut, de l'Assemblée Constituante et le coup qu'elle a signifié pour les institutions boliviennes. La quatrième sont les signaux encourageants de ces dernières semaines, quand le pays a vu l'abîme et a eu peur. Et il en reste sûrement à découvrir, des bonnes et des autres, tandis que le chemin se fait en marchant.


Santiago O’Donnell, Pagina12, 18 mai 2008 .
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Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

 
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