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Le soja Roundup Ready en Argentine, la "sojisation" de l’agriculture Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
09-06-2008
L’implantation du soja transgénique Round Up Ready (dit RR), c’est-à-dire résistant aux épandages du désherbant Round Up produit par Monsanto, a gagné l’Argentine en quelques années. Ces semences ont envahi le marché au moment de la crise financière argentine de 2001. Alors que la culture du soja ne représentait que 3700 hectares en 1971, les cultures de l’oléagineux passent à 8,3 millions d’hectares en 2000, 9,8 en 2001, 11,6 en 2002 pour atteindre 16 millions d’hectare en 2007, soit 60% des terres cultivées, on parle alors de « sojisation du pays » . Sur ce total 14 millions d’hectares sont semés de soja transgénique RR, ce qui représente 37 millions de tonnes récoltées, dont plus de 90% sont exportées, principalement vers l’Europe et la Chine.
Du fait de la crise économique en 2001, le prix de la terre a flambé, ce qui a encouragé les petits propriétaires à vendre leurs terres et conduit à une concentration de la propriété foncière. De fait, en une décennie, la superficie moyenne des exploitations de la Pampa est passée de 250 à 538 hectares, tandis que le nombre de fermes se réduisait de 30% . De plus, 16 millions d’hectares de terres cultivables appartiennent à des groupes agro-industriels étrangers. Cela a entrainé une restructuration profonde du monde agricole, qui passa d’une agriculture diversifiée et autosuffisante à un modèle de quasi monoculture. A une agriculture traditionnelle et familiale, les dirigeants argentins ont préféré substituer un modèle d’agriculture industrielle et intensive tournée vers les exportations. A cette époque, comme le remarque le secrétaire à l’Agriculture, le soja est une bouée de secours pour l’économie argentine menacée de faillite. L’Etat prélève un impôt de 20% sur les huiles et de 23% sur les grains, ce qui représente 10 milliards de dollars par an, soit 30% des devises nationales .

Une autre incitation à la culture du soja transgénique a été le refus Argentin de laisser Monsanto déposer un brevet sur ses semences transgéniques, ce qui autorise les paysans à ressemer leurs graines RR sans avoir à payer de droit d’exploitation à la firme de Saint Louis. Pour s’emparer de la totalité du marché, Monsanto n’hésita pas à vendre ses semences trois fois moins chère qu’aux Etats-Unis. Ces nouvelles semences ont été considérées comme « miraculeuses » par de nombreux agriculteurs argentins car elles permettaient de faire des économies sur les désherbants mais aussi de moins épuiser la terre par des épandages trop réguliers de produits chimiques. après quelques années d’exploitation du soja RR beaucoup d’entre eux sont désenchantés par la réalité. La grande désillusion : La face cachée du soja transgénique.

Le recul des cultures vivrières

La poussée du soja transgénique, et ce que les experts appellent casuellement la « ruée vers l’or vert », a entrainé une baisse de la production des cultures nécessaires à l’alimentation des Argentins. Ainsi de 1996-97 à 2001-02, le nombre d’exploitations laitières a diminué de 27%, et pour la première fois de son histoire l’Argentine a dû importer du lait de l’Uruguay. Pour cette même période, l’Argentine enregistre un recul de 44% de sa production de riz, de 34% du tournesol, de 36% de la viande porcine. Ce mouvement s’est accompagné d’une hausse des prix des produits de consommation de base, ainsi en 2003 le prix de la farine a augmentée de 162%, celui des lentilles de 272% ou encore celui du riz de 130% . L’ironie de la situation est que les Argentins sont encouragés à substituer du lait et des steaks de soja au lait et à la viande traditionnels qui ont toujours fait parti du patrimoine culinaire du pays.

Le « soja rebelle » : vers la stérilisation des sols.

Avant l’arrivée du soja Round Up Ready de Monsanto, les agriculteurs argentins utilisaient quatre ou cinq herbicides différents sur une même parcelle, dont certains très toxiques comme le 2-4 D (un composant de l’ « agent orange »), l’atrazine ou le paraquat (tous interdit d’utilisation dans l’Union Européenne). Mais l’alternance entre les différents produits empêchait les mauvaises herbes de développer une résistance à l’un des herbicides. Aujourd’hui, l’utilisation exclusive du Roundup a entrainé l’apparition de biotypes qui furent d’abord « tolérants » au glyphosate : pour venir à out de ces mauvaises herbes les paysans ont d’abord dû augmenter les doses de Roundup. Mais après la tolérance vint la résistance et l’apparition du « soja rebelle » (ou « volontaire » au Canada) qui se développe de plus en plus dans la Pampa. Avant l’arrivée du soja RR, l’Argentine consommait une moyenne annuelle d’un million de litres de glyphosate, en 2005 elle en consomme 150 millions, ce qui représente une manne financière conséquente pour Monsanto . L’augmentation des épandages de Roundup entraine un épuisement des sols car la flore microbienne, essentielle à la fertilité des sols, est détruite par le désherbant total. La stérilisation progressive des sols entraine une baisse de rendement, ce qui pousse les agriculteurs à recourir de plus en plus aux engrais chimiques et à pour conséquence d’augmenter les couts de production. L’argument de vente des OGM pour leur rentabilité est alors passablement remis en cause.

Les implications sanitaires et environnementales.

Les populations rurales sont les premières touchées par la dégradation de leur environnement dûe à l’usage massif de Roundup. Deux fois par an, les avions épandeurs, ou « mosquitos », répandent l’herbicide sur toute la campagne jusqu’aux portes des habitations. En Argentine, aucune précaution n’est prise pour diminuer l’impact de la contamination du glyphosate qui affecte l’environnement, l’air et les nappes phréatiques et donc par répercussion la population D’après Dario Gianfelici, un médecin argentin travaillant en zone rurale : « Avec plusieurs collègues de la région, nous avons constaté une augmentation significative des anomalies de la fécondité, comme les fausses couches ou les morts fœtales précoces, des dysfonctionnements de la thyroïde et de l’appareil respiratoire – comme les œdèmes pulmonaires-, des fonctions rénales ou endocriniennes, des maladies hépatiques et dermatologiques ou des problèmes oculaires graves » . Ces propos ne relèvent que de la simple observation de terrain et ne sont pas des preuves scientifiques. Par ailleurs, l’augmentation des surfaces cultivables de soja a eu une répercussion périphérique sur la déforestation qui a augmenté pour libérer plus de terres. La région de Santiago del Estero affiche l’un des taux de déforestation les plus élevé au monde avec une moyenne de 0,81% de la forêt arrachée par an, contre 0,23% au niveau planétaire . D’après Jorge Menendez, directeur des forêts au Secrétariat à l’Environnement, entre 1998 et 2002, ce sont 800000 hectares de forêts dans cette région qui sont partis en fumée pour être planté de soja . Sur la même période, 118000 hectares étaient arrachés dans la province du Chaco, et 170000 dans celle de Salta. Cela constitue une véritable catastrophe écologique pour les forêts primitives qui accueillent une biodiversité unique au monde.

Monsanto vs Argentine

Pour s’emparer du marche du soja transgénique, Monsanto n’a pas hésité à accorder de nombreux privilèges à l’Argentine comme des prix cassés sur ses semences de soja RR ou l’absence de brevet et l’engagement de ne pas poursuivre les cultivateurs qui replantaient une partie de leur récolte. Cependant aujourd’hui Monsanto est en conflit avec le gouvernement argentin car la firme réclame des royalties sur la vente et l’exportation de son soja transgénique. La firme réclame trois dollars par tonnes de grain ou de farine de soja au départ des ports argentins, ou quinze dollars à l’arrivée des cargaisons dans les ports européens. Cela représente pour Monsanto une manne potentielle de 160 millions de dollars par an sur les seules exportations argentines à destination de l’Union Européenne. A ce jour aucun accord n’a encore été trouvé entre Monsanto et l’Etat Argentin.

 

  Article sur la réalité du soja RR de Monsanto en Argentine D’après une enquête de terrain de Marie Monique Robin, pour le Monde selon Monsanto, coédition La découverte/Arte Ed, 2008.

 

http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article77 

 
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