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Argentine: comment gagner la guerre en dormant avec l'ennemi Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
02-07-2008

Lors des cent jours de conflit entre le gouvernement et les organismes agricoles au sujet de l'augmentation des taxes aux exportations de soja, on a vu, à la grande surprise et consternation de beaucoup, la Fédération Agraire (et ses alliés politiques comme le maoïste Parti Communiste Révolutionnaire!), née lors d'une grève agraire, qui revendique une loi d’affermage (location de terres agricoles), rejoindre les représentants de l'agro-industrie et de l'oligarchie argentine (la Société Rurale, derrière toutes les dictatures argentines et promotrice du massacre des ouvriers agricoles de la Patagonie au début de ce siècle). Et maintenant cette même Fédération Agraire de condamner la concentration des terres qui bénéficie avant tout à ses alliés politiques contre le gouvernement!!! amerikenlutte.

Cela n'a sûrement pas été l'intention des organisations agricoles qui ont déclenché le conflit, ni celle du gouvernement national qui les affronte. Mais dans les dernières semaines, sont apparues des questions liées au business du soja et au modèle socio-économique qui le soutient, questions qui mériteraient un espace pour un débat de fond. L'accumulation de profits des exportateurs, la concentration de la terre, l'existence d'une paysannerie pauvre dans des zones marginales oubliées par l'Etat et déplacées par les pools du soja sont des éléments qui sont au coeur du conflit agraire mais pas dans les thèmes de discussion. Ce sont des problèmes structuraux qui expriment des intérêts politiques, économiques et même idéologiques en jeu. L'inconvénient central pour ouvrir le débat consiste en ce que, dans la confusion des rôles et des représentations dans lesquels ce conflit rural s'est converti, sont à chaque fois plus nombreux ceux qui ont des limitations pour signaler qui est réellement leur ennemi.
 
Curieux paradoxe : le même jour où le Gouvernement se débarassait du représentant de la concentrée et en position d'oligopole industrie de l'huile (1), en raison d'un rapprochement idéologique et d'intérêts avec les organismes qu'affrontent le  Gouvernement, le titulaire de l'un de ces organismes condamnait la concentration et dénonçait le fait que le Gouvernement "n'a pas la volonté" de modifier le schéma de concentration (2). Où passe la ligne de divison d'intérêts ? Hier Eduardo Buzzi, titulaire de la Fédération Agraire, lors de la commémoration de l'anniversaire du Cri d'Alcorta, révolte agraire qui a donné naissance au dit organisme, a affirmé : "Je suis sorti préoccupé de la réunion avec la Présidente (Cristina Fernandez, lundi passé), parce qu'il semble qu'il n'est pas dans la volonté présidentielle de modifier le schéma de concentration". Il se rapportait, comme il l'a fait à d'autres reprises, à la concentration de la terre qui provoque un rendement économique exceptionnellement élevé du soja, très supérieur à celui de n'importe quelle autre exploitation agricole, qui engendre que les plus puissants propriétaires fonciers et les pools de semailles progressent en s'accaparant des hectares de petits et moyens producteurs, les faisant pratiquement disparaître des campagnes. Il a nommé Grobocopatel comme paradigme de ce modèle.
 
Il est vrai qu'en quatre ans de kirchnerisme peu a été fait pour éviter la concentration et même, par omission, elle a été habilitée. Mais on pourrait dire, bien que Buzzi ne le partage pas, que la hausse des rétentions (taxes) au soja a été la première mesure importante pour arrêter ce processus, montrant "qu'il y a une volonté" de changer le modèle de concentration (3). Buzzi le discute, mais il faudrait lui demander comment et avec qui se mène la bataille contre la concentration. Est-il dans la volonté des présidents de la Société Rurale ou du CRA de changer le modèle de concentration ? Ni leur histoire, ni leurs actuelles postures publiques, ne font place au doute. Elles sont en faveur de l'empire des lois de marché, ce qui est synonyme de la loi du plus fort, de la concentration. La bataille de ces cent jours est-elle contre la concentration ? Certainement pas. L'effort de Buzzi d' "introduire" dans le débat cette lutte légitime et nécessaire est louable. Le problème c'est que les batailles pour des questions structurelles, pour des questions de fond comme la possession de la terre, ne se gagnent pas par "contrebande", mais en définissant l'adversaire et en ralliant des forces pour le vaincre. A ce niveau, la Fédération Agraire s'est placée du côté de ceux qui tirent bénéfice et vont défendre à mort la concentration.

 
Notes:  
 
1- Pour ses évidentes sympathies avec les entrepreneurs de l'agro, le sénateur Roberto Urquia, propriétaire de la huilerie Deheza, une des principales exportatrices agricoles, a démissioné des commissions du Budget et d'Agriculture, postes clés pour que le gouvernement ratifie sa proposition de loi sur les taxes aux exportations au Sénat (Pagina/12).

2- Un rapport des Douanes argentines signalait que les producteurs agricoles ont exporté pour 10,4 milliards de dollars (en majorité du soja OGM) dans ce qui va de 2008. Et il indiquait que 92 pour cent de la production avait été vendue par seulement 10 entreprises (dont Mosanto, Bayer, Bunge...). La quatrième est la huilerie de Roberto Urquia, qui cette année a exporté pour 1,106 milliard de dollars, le double de la cinquième de la liste (Pagina/12).
 
3- Même si cette mesure pourrait ralentir ou stopper la concentration de terres aux mains de l'industrie du soja, on ne peut dire que ce fut par "volonté" de le faire qu'elle fut prise. Elle le fut avant tout pour augmenter les recettes du gouvernement (pour en entre autres payer la dette externe) (NdT).

 
Raul Dellatorre, Pagina/12, 26juin 2008.
http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/subnotas/1-33668-2008-06-26.html
 
Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

 
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