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Argentine : le jour où la justice s'est faite, Menendez condamné à la perpétuité Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
08-08-2008

Luciano Benjamin Menendez et sept autres répresseurs ont envoyés en prison.

L'ex-chef du Troisième Corps de l'Armée devra accomplir la prison à perpétuité  pour avoir séquestrer, torturer et assassiner, à la fin de 1977, quatre militants du PRT qui ont été enfermés à La Perla. Il y a eu des festoiements à l'intérieur et à l'extérieur du tribunal.

 

Luciano Benjamin Menéndez a dormi hier soir comme un prisonnier de plus dans la prison de Bower, dans les environs de sa chère Cordoba. Le Tribunal Oral Fédéral 1 a condamné un des deux plus grands génocideurs de l'histoire du nord argentin, avec le tucumano Antonio Domingo Bussi, à la peine de prison à perpétuité. Sept de ses subordonnés dans le Corps III de l'Armée qui, comme membres du Détachement d'Intelligence 141 ont opéré dans le centre clandestin La Perla, ont aussi été condamnés à passer le reste de leurs jours dans une prison commune et courante, comme n'importe qui.

Quand le juge Jaime Diaz Gavier a terminé de lire la sentence, quelqu'un a crié : "enfin justice!". Il y a eu un applaudissement et ensuite un silence. Dans la rue l'émotion s'est transformée en pleurs, cris, chants et embrassades.

Il est difficile de rendre compte du climat qui s'est vécu hier dans les tribunaux de Cordoba. Dans la rue, des milliers de personnes, une ample majorité de moins de 25 ans, ont patienté depuis le matin, quand les juges ont cité les imputés pour écouter leurs derniers mots. Dans le salon d'usages multiples, qui a 160 fauteuils, non moins de trois cents personnes sont rentrées. Cependant, l'organisation ne s'est jamais trouvée  débordée. Les imputés sont entrés à un pas lent et ils n'ont pas reçu une seule insulte. Personne n'a gêné les membres de leurs familles, qui ont été témoins de l'audience. (...)

Menéndez et Cie. ont été condamnés pour séquestrer, torturer et assassiner, fin 1977, à Hilda Flora Palacios, Humberto Brandalisis, Carlos Laja et Raúl Cardozo, militants du Parti Révolutionnaire des Travailleurs. Comme l'ont déclaré les survivants de La Perla, les membres du groupe des "opérations spéciales" (OP3) du Détachement les ont torturés sans pitié durant un mois. A l'aube du 15 décembre, ils les ont sortis du centre pour les tuer dans une "opération ventilateur", comme ils appelaient les exécutions sur la voie publique durant lesquelles ils simulaient des affrontements. Ils n'ont pas laissé de détails : ils ont choisi le coin qui mieux les représentait : la Famille Sacrée et l'Armée Argentine. Les militants du PRT ont été enterrés comme NN dans le cimetière de San Vicente. Jusqu'à ce moment seul Hilda Palacios a été identifiée par l'Équipe Argentine d'Anthropologie Légiste.

Pour que personne ne se trouve en dehors de la salle, la lecture de la sentence a commencé une demi-heure après l'heure prévue. Dans les premièrs rangs se sont placées les Mères et les Grand-mères de la Place de Mai avec leurs foulards blancs. Dans les derniers, les H.I.J.O.S. (Fils et Filles de Disparus) avec les leurs. (...)

La plus grande fête a été vécue dans la rue. Avec un soleil radieux, même les chiens dansaient au rythme qu'imposait le Mouvement National de Murgas. "Olé olé/olé olá / les subversifs sommes chaque jour plus nombreux", célébraient-ils. Derrière des dizaines de drapeaux d'organisations sociales, de syndicats et de partis, on pouvait voir des centaines de photos de victimes du terrorisme d'État. Par les haut-parleurs, la voix de Maria Angélica Olcese de Moller, Queca pour l'histoire, qui est morte la veille de la sentence, rappelait la panique des premiers tours de la Place de Mai et la fondation de Familles de Disparus et de Détenus pour Raisons Politiques de Cordoba, qu'elle présidait.

À cinq heures juste sont entrés les imputés. On aurait pu entendre une mouche voler. Comme lors du premier jour, un ruban noir couvrait la cocarde du revers du sac de Menéndez, en deuil pour la fin de son impunité. Les avocats de H.I.J.O.S. ont orné leurs pupitres avec les photos de leurs êtres aimés. Martin Fresneda avec celle de ses parents tombés, Tomas et Mercedes Argañaraz, avec celle de la grand-mère Otilia, qui les a élevés. Claudio Orosz avec celle de ses ex-compagnons du collège Manuel Belgrano : Paul Schmucler, Claudio Romain et Gustavo Torres, tous disparus. (...)

Le tribunal a lu par ordre hiérarchique. Il a dicté cinq prisons à perpétuité, pour les mêmes délits que Menéndez, pour les sous-officiers retirés Luis Alberto Manzanelli, Carlos Alberto Díaz, Oreste Valentín Padován et pour l'ex-personnel civil d'intelligence Ricardo Lardone, tous ex-membres de l'OP3. Le colonel Hermes Oscar Rodríguez et le capitaine Jorge Ezequiel Acosta ont été condamnés à 22 ans de prison et au le sous-officier Carlos Alberto Vega à 18 ans, parce que pour les dates des homicides ils avaient changé d'adresse. Les quatre ans pour Vega sont pour son rang hiérarchique, moins que celui des officiers. Le tribunal a décidé que tous accomplissent leur condamnation dans la prison de Bower, la plus moderne de la province. Jusqu'au commencement du procès, quand pour des raisons de sécurité, le tribunal a rassemblé les imputés dans le Corps III, Menéndez, Rodríguez et Vega jouissaient d'une détention à domicile, alors que  Padován et Lardone avaient été excarcélés par la Chambre de Cassation. "Messieurs, le procès est terminé", a conclu Díaz Gavier, qui a regardé dans les yeux chaque imputé tandis qu'il lisait les condamnations. La salle s'est levée, les H.I.J.O.S. ont sorti leurs mouchoirs, les familles les photos de leurs victimes, et en choeur ils ont chanté "comme aux nazis / il va leur arriver / où qu' ils aillent nous irons les chercher". Ce fut alors quand Díaz, le tortionnaire de nuque massive, s'est retourné, a souri et a levé les bras avec les doigts en signe de V. Personne ne lui a répondu. La musique a continué avec "Continue la danse, continue la danse, au son du tambour, que nous avons la tête de Luciano Benjamin". Tandis que les caméras se concentraient sur le gouverneur Schiaretti, avec des larmes dans les yeux, Orosz a harangué pour descendre dans la rue "où sont les gens qui ont fait que ce procès soit possible". Toute Cordoba l'a suivi.

Diego Martínez, Pagina/12, 25 juillet 2008.

http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-108449-2008-07-25.html

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

 
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