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Les disparus du Guatemala et comment l'Etat empêche les recherches Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
04-10-2008

Le documentaire "La desaparición forzada... desterrando el olvido" (La disparition forcée ... en finir avec l'oubli), raconte les années sanglantes de la dictature et pourrait être un outil pour que les législateurs approuvent un projet de loi qui élabore une liste des morts.
 

Le chauffeur du taxi est un jeune guatémaltèque de pas plus de 20 ans. A vingt minutes de l'aéroport, quand les autoroutes commencent à s'écarter, il prend le chemin des montagnes. Ciudad Antigua est dans cet autre lieu, derrière cette autre frontière qui semble tout diviser, submerger le pays dans ce côté de paradis historique et l'éloigner, pour un instant, de la violence. Déclarée Patrimoine de l'Humanité en 1979, capitale coloniale espagnole de l'Amérique Centrale, les restes du centre-ville sont entourés de trois volcans. Deux volcans de feu, dit le chauffeur de taxi, et un d'eau. Il y a plusieurs siècles, leurs éruptions ont enterré deux fois le village. A partir de 1966, un des cratères a recommencé à fonctionner, mais cette fois comme entonnoir choisi par les militaires locaux pour faire disparaître leur victimes.
 
Maintenant, le rôle de ce volcan dans la politique de disparition forcée de personnes est rappelé dans "La desaparición forzada... desterrando el olvido", un des quatre documentaires du pays qui vient d'être sélectionné pour intégrer le Festival Icaro, de cinéma et vidéo, en Amérique centrale. Le documentaire raconte durant une demi-heure ce qu'a été un des plus brutales dictatures de la région, dont la période de feu s'est étendue entre 1966 et 1989. En 1989, la Commission pour la Vérité Historique a déterminé qu'il y a eu 45.000 disparus, dont 5000 enfants.
 
Le documentaire est né dans ce contexte comme un outil politique pour raconter ce qui est arrivé durant le génocide mais aussi comme un instrument pour impulser pour la première fois au Congrès un projet de loi sur la disparition forcée, dont l'objectif est que l'Etat commence officiellement la recherche des victimes et élabore une liste unique et officielle des victimes.
 
"Les députés ne lisent pas, ne voient rien - dit Secil Oswaldo de Leon, directeur du documentaire et membre du Collectif d'Organisations Sociales-. Non seulement il existe une histoire officielle et une autre qui n'est pas encore connue, mais le travail le plus important pour nous a été d'aller voir les députés un à un pour les convaincre parce que nous avons besoin de 105 des 158 voix pour faire voter la loi avec laquelle on essaie de savoir ce que sont devenues les victimes et si possible de retrouver leurs  restes pour que leurs familles puissent les enterrer."


 
Le projet qui a démarré en 2005 a été approuvé par la Commission des Finances et est maintenant entre les mains de la Commission de Législation et des Affaires Constitutionnels. Les organismes de Droits de l'Homme attendent une expertise favorable à court terme et sont convaincus que la réunion plénière du Congrès pourrait le traiter en octobre. Mais la bataille est encore difficile. Le projet s'affronte au bloc du Parti Patriote, la deuxième force au parlement et dans les dernières élections.
 
Son candidat présidentiel, le général retiré Otto Perez est directement intervenu dans le conflit armé, au côté des responsables de l'intelligence militaire. L'autre des obstacles réside dans le bloc, minoritaire mais influent, du Front Républicain Guatémaltèque du général Efraín Ríos Montt, ex-dictateur qui a été président de facto entre 1982 et 1983 et qui est aujourd'hui député. Pour que le projet ne se heurte pas à l'opinion de ses 14 députés au Congrès, une partie de la stratégie des organismes de Droits de l'Homme a été de les rallier comme protagonistes du projet et de céder sur des questions importantes comme la recherche des responsabilités des militaires et de leurs subalternes qui ont fait parti du gouvernement.
 
"Ils nous ont demandé de ne pas mettre le mot 'enquêter' ni le mot 'justice' parce que si non l'initiative ne passait pas", dit à Pagina/12 Aura Elena Farfan, fondatrice de Familles de Détenus Disparus du Guatemala (Famdegua) et soeur d'une des victimes. "Ce que nous demandons c'est de savoir où sont les corps et que toutes les familles ayons les information sur où ils ont été capturés et qui a participé à leur capture, mais pour nous c'est douloureux et révoltant parce que nos familles ne faisaient rien de mal, elles ne commettaient pas de délit, mais ne faisaient que exercer un droit, celui de penser."
 
Au Guatemala, durant la dictature de Rios Montt, a été mis en oeuvre la politique de la "terre brûlée", une des périodes les plus brutales de la répression, particulièrement parmi les populations rurales. "Dans les villes, la disparition a requis un profond travail d'intelligence militaire - dit De Leon-. Les disparitions ont concerné tous ceux qui étaient suceptibles d'être dans l'opposition. Mais à partir des années 80, cette dynamique a été complétée par des politiques de terre brulée c'est-à-dire la destruction totale de ce qu'il y avait en face, surtout dans les campagnes." Comme l'armée était convaincue que la population sympathisait avec la guérilla, dit-il, tous étaient des ennemis potentiels. Pour cela, entre 1980 et 1983, le nombres de victimes a monté en flèche et les militaires ont non seulement emporté parents et enfants, mais tout être vivant qui bougeait, même les animaux.
 
On soupçonne que la plupart des enfants ont disparu à ce moment. Et bien qu'au commencement, ils les assassinaient sur place, ensuite ils ont commencé à les séquestrer et à les vendre. Comme cela se passe en Argentine, une bonne partie de ces enfants disparus sont recherchées et retrouvées aujourd'hui dans différents endroits du monde.
 
Seulement pour tenir compte de la dimension de la difficulté, les chroniqueurs locaux rappellent que Riot Montt s'est présenté comme candidat à la présidence en 1994, et il a perdu. En 1999, son parti s'est présenté et a gagné. Le Front Républicain a gouverné jusqu'en 2003. Et bien qu'en ce moment les forces politiques sont autres, les procès n'avancent pas, en raison d'une espèce d'amnistie. Il n'y a pas eu de jugements ni de coupables, excepté ceux qui ont eu lieu à l'extérieur, comme lors de la présentation devant la Commission Interaméricaine du massacre de Las Dos Erres, de décembre 1982, au village Las Cruces, dans le département du Petén, qui a fait 250 victimes, dont 167 ont été découverts dans un puits de 12,20 mètres de profondeur. "Il y a un processus judiciaire ouvert - dit De Léon - mais il n'y a pas de recherche de la part de l'Etat. Alors ce que prétend la loi c'est que l'Etat assume sa responsabilité de rechercher les disparus. Parler de justice au Guatemala est un pas lent, extrêmement lent, mais un pas sera fait."
 
Alejandra Dandan, Pagina/12, 29 septembre 2008.
http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-112417-2008-09-29.html
 
Traduit par http://amerikenlutte.free.fr
 
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