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La situation s’aggrave au Paraguay: menaces, criminalisation et assassinats de paysans Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
15-10-2008

Depuis que Lugo a pris ses fonctions, il y a eu une constante mobilisation dans les bases paysannes. Le pays entier vit dans une grande mobilisation populaire contre la culture extensive et mécanisée et la concentration de la terre. Le début de la saison du soja, la proposition du nouveau gouvernement de taxer l’exportation du soja et le discours de Lugo à l’assemblée des Nations Unies déclarant que le terrorisme au Paraguay réside dans la fumigation d’agro-toxiques qui touche les enfants, ont déclenché l’action du terrorisme du soja soutenu par les forces de l’ordre, le ministère public et la police contre les mobilisations paysannes.

Un des principaux espaces de coordination et organisation des secteurs populaires est le Front Social et Populaire. Il s’agit d’une plate-forme d’organisations qui ont pour but principal d’articuler, de canaliser, d’institutionnaliser et d’avoir de l’influence sur les politiques publiques avec les demandes des bases des secteurs populaires. Dans de nombreuses communautés est vécu un processus historique de débat et de mobilisation, beaucoup de nouvelles personnes s’unissent à ces espaces d’action, elles ont vaincu la peur de la criminalisation et ont hâte d’être les acteurs du changement qu’elles ont confié Lugo. 

Dans tout le pays, on estime qu’il y a 130 tentes situées sur les bords des latifundiums (non pas à l’intérieur de ceux-ci, il n’y a donc pas d’invasion à la propriété privée). Ces tentes sont les mobilisations paysannes avec deux axes d’action :

1. Accès à la terre, dénonciation des bolsones fiscales (terres fiscales situées entre différents latifundiums et dont les "propriétaires" s’emparent de façon illégale) et malversation de terres. Exiger à l’état l’expropriation en faveur des paysans sans terre.

2. Mobilisation contre la contamination et la destruction de l’environnement. Défense des communautés qui souffrent la fumigation d’agro-toxiques. Défense des régions à ressources naturelles, freiner le déboisement et la destruction des écosystèmes.

Même si les tentes ne sont pas dans des propriétés privées, le ministère public expulse et réprime les paysans mobilisés. Le système judiciaire, encore aux mains du Parti Colorado et de la mafia économique, a entrepris une opération de déstabilisation et une escalade de la violence tout au long du pays, par le biais d’expulsions et de détentions de paysans. Cette dernière semaine, la situation s’est aggravée avec déjà sa seconde victime et il y a des rumeurs concernant une liste de 50 dirigeants paysans à assassiner.

Le 3 octobre, une des principales porte-paroles des producteurs de soja du Paraguay, Claudia Russer, a déclaré « la mèche a été allumée dans les champs et le gouvernement est absent » et elle a affirmé que son secteur est armé et aura recours à la défense directe de ses intérêts. Quelques heures après cette déclaration, le dirigeant d’ASAGRAPA (Associations d’Agriculteurs du Haut Paraná), Bienvenido Melgarejo, a été assassiné après une expulsion à Alto Paraná.

Situation à Vaquería et Yhu

Ce dernier mois, le Mouvement Agraire et Populaire a organisé 3 différents campements dans la région de Vaquería et Yhu dans le département de Caaguazú. Il s’agit de plusieurs luttes anciennes qui sont reprises avec le nouvel espoir du futur programme de Réforme Agraire du nouveau gouvernement. À Yhu se trouve le campement Kai’ho devant les terres de Saprisa Nuñez, frère de l’ancien ministre de l’Intérieur du président antérieur Nicanor Frutos. Il s’agit de terres mal acquises (données durant la dictature de Stroessner). Il s’agit d’environ 3000 hectares (surtout de soja). L’autre campement s’appelle Yvyra katu, installé cette fois-ci pour réclamer le latifundium de Nicolás Luto, candidat à la vice-présidente d’UNACE, le parti du militaire putschiste Lino Oviedo. Cette fois-ci, ce sont 7000 hectares qui sont réclamés, étant donné que ce sont des terres mal acquises. Luto a installé, grâce à son pouvoir économique et politique, un campement de policiers à l’entrée de son terrain. De plus il compte déjà sur un mandat judiciaire de surveillance, il s'agit d'un recours de protection préventive, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de délit mais qu'il y a déjà un recours de prévention avec pour résultat l'inculpation de 75 personnes. Le troisième campement est à Mariscal López, c’est une mobilisation d’enseignants et d’étudiants, de la communauté paysanne contre la plantation de soja et la fumigation d’agro-toxiques. Pour s’être mobilisées, il y a déjà 7 personnes mises en examen, avec une citation devant le ministère public pour le 8 octobre. Il s’agit de deux enseignants, 2 mères et 4 jeunes dirigeants du Mouvement Agraire Populaire, parmi lesquels Silvio Merele et Marco Melgarejo. Ce campement est dû à l’arrivée des producteurs de soja brésiliens dans la communauté, qui ont acheté des "derecheras" (terres auxquelles les paysans auraient droit en vertu de politiques agraires, mais qui sont revendues), mais il a été découvert une grande irrégularité qui fait que plus de 17000 hectares peuvent être réorientées à l’agriculture familiale sous la Réforme Agraire.

Durant les mois d’août et de septembre, le Mouvement Agraire Populaire (MAP) a commencé un programme d’influence politique auprès du Secrétariat de l’Environnement (SEAM) et du Service National de Qualité Sanitaire des Végétaux et des Graines (SENAVE), deux institutions chargées de surveiller les licences environnementales requises dans la production de soja par rapport aux fumigations par agro-toxiques.

Ces visites ont eu comme résultats une inspection dans les districts de Yhu et Vaquería. Lorsque les équipes ont effectué leur travail, 12 producteurs de soja de la région ont été convoqués, parmi lesquels le maire de Vaquería, Anastasio Vera López. Ce dernier a refusé de signer la notification et a entrepris une campagne de diffamation et des attaques verbales à l’égard des organisations paysannes s’opposant à la culture du soja à l’intérieur des terres paysannes. Anastasio Vera est membre du parti Liberal PLRA, c’est un producteur moyen de soja qui possède de nombreuses derecheras principalement dans la première ligne de la communauté paysanne de Tekojoja. Les notifications contenaient la révision de la licence environnementale ainsi que la constatation de l’absence des mesures requises telles que des barrières vertes, etc.…

Samedi 27 septembre, le Front Social Populaire, une plate-forme de mouvements sociaux qui à Caaguazú est dirigée par le MAP, a tenu un meeting public avec plus de 3000 personnes. Lors de celui-ci, différentes commissions organisées du FSP, telles que sans terre, femmes, troisième âge, ont présenté leurs demandes aux nouvelles autorités. Plusieurs fonctionnaires du gouvernement y ont participé, Pablino Cáceres, ministre d’Action sociale, Samuel Jara, directeur de fiscalisation de la SEAM, Alberto Martínez, membre du cabinet du SEAM, procureur de délits environnementaux, Sixto Pereira, sénateur du Mouvement Populaire Tekojoja, Vicenta Cano, membre de la Junte Départementale, Estanislao Ortega, conseiller du MAP du district de Vaquería.

L’inquiétude des gens pour que les nouvelles autorités fassent respecter les lois ne s’est pas fait attendre. À la fin du meeting, lorsque les agents de la SEAM sont descendus de la tribune, plus de 700 personnes les ont accompagnées jusqu’à la municipalité de Vaquería pour qu’ils parlent avec le maire pour lui faire respecter la notification. Le maire a tout d’abord refusé de recevoir les agents de la SEAM puis les a maltraités et expulsés des lieux. Le maire a depuis lors commencé une opération de mobilisations des producteurs de soja et a tenu un discours agressif à l’égard de la SEAM et des organisations paysannes.

Le mardi suivant, le 30 septembre, continuant l’investigation, l’agent de la SEAM retourne dans la région, accompagné cette fois-ci par la police nationale. Il inspecte la région de Mariscal López (district de YHU) où les producteurs de soja s’opposent à lui en lui interdisant l’accès sur les terrains. Il fixe alors une nouvelle date, le mardi 7 octobre, pour laquelle il demande un mandat de perquisition au ministère public. Cette dénonciation entraîne la furie de la municipalité et de tous les producteurs de soja et de l’agro-business qui défendent la production de soja à Vaquería.

Le maire entreprend campagne de diffamation et menace les organisations paysannes, adressant des menaces contre les dirigeants du MAP, les frères Jorge et Antonio Galeano, Osvaldo Díaz (qui dirige la radio communautaire du MAP), Marco Melgarejo, dirigeant de la colonie de Mariscal López, où un campement contre la fumigation avait été tenu.

À cette campagne participe également José Domingo González, membre de la junte municipale et président de l’association de producteurs de soja de la région (base de la CAP, coordination agricole du Paraguay) dont le maire est membre. 

Les menaces et la diffamation sont directement proférées à partir d'une émission de radio, Radio Continental, où la municipalité de Vaquería paie des espaces pour promouvoir des soi-disant politiques et programmes municipaux. Or ils utilisent ces espaces pour menacer directement les organisations paysannes, les dirigeants et le nouveau processus politique du gouvernement de Lugo. Ils incitent constamment le secteur du soja, en manipulant l’information et en affirmant que la SEAM et la police vont interdire la culture du soja. Et ce qui est encore plus grave, c’est qu’ils émettent publiquement des menaces et de graves accusations contre les dirigeants.

Les premières menaces sont devenues réelles vendredi 3, lorsque Marco Melgarejo se trouvait chez un enseignant pour coordonner des actions communautaires contre la fumigation dans la communauté de Mariscal López. Rufino Bénitez, le président de la commission de sécurité citoyenne est arrivé et les a menacés de mort en braquant une arme sur Marco.

Vendredi, un dirigeant paysan a été assassiné lors d’une expulsion à Alto Paraná. Ce même jour apparaissent dans la presse plusieurs menaces publiques de la part des porte-paroles des producteurs de soja qui affirment que le sang va couler si la culture de soja est stoppée.  Dans les champs, la situation est tendue.

Samedi 4 octobre, a eu lieu un tractorazo, une mobilisation de producteurs de soja bloquant avec leurs tracteurs la route du village, protestant contre les mesures du nouveau gouvernement. Un groupe d’hommes armés, parmi lesquels se trouvaient le maire Anastasio Vera, José Domingo et Rufino Benítez, sont entrée par la force dans la radio communautaire du MAP – Vaquería FM, suspendant l’émission et chassant les animateurs Osvaldo Díaz et Guzmán Díaz. Ce dernier a demandé de l’aide à Felicita Escobar, dirigeante du MAP, qui, avec courage,  a fait face à ces hommes dans la radio et a déposé plainte au commissariat, les obligeant à accepter la plainte et à faire libérer la radio.

Depuis le tractorazo à Vaquería et l’assassinat à Alto Paraná, les dirigeants du MAP se replient et essaient de maintenir des mesures de sécurité, car ils craignent d’être attaqués. Dans les communautés de bases du MAP, la situation est très tendue et l’ont craint pour la vie des dirigeants. Ce lundi 6 octobre, 4 compagnons sont venus de l’étranger pour souvenir et accompagner les dirigeants menacés. En raison de l’escalade de la violence, l’inspection prévue par la SEAM a été annulée. Mercredi 7, des membres du MAP doivent témoigner devant le ministère public, pour cette occasion, ils seront accompagnés par les compagnons étrangers qui veilleront à la légalité des démarches.

Ce lundi 6 octobre, Jorge Galeano a été convoqué par le MAG (ministère de l’Agriculture et de l’élevage) et la SEAM pour parler du conflit de Vaquería. Cette réunion a été une tentative de mener la négociation dans le domaine du MAG où les organisations ont moins d’influence. Les organisations paysannes ont participé de cette réunion en tant que Front Social et Populaire.

Biodiversidad en América Latina, Javiera Rulli, 10 octobre 2008

http://www.biodiversidadla.org/content/view/full/44503

Traduit par eli

http://amerikenlutte.free.fr

 

 
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