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Argentine : Persécutions et détentions massives de paysans Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
21-10-2008

Durant les derniers mois, dans les provinces de Mendoza, Santiago del Estero et Formosa, 35 paysans ont été arrêtés et 95 mandats d’arrêt ont été délivrés. Les entrepreneurs ont recours à la justice pour les expulser de leurs terres, mais personne ne reçoit les dénonciations des paysans pour les atteintes qui leur sont portées. 

L’agriculture paysanne représente 70 pour cent des exploitations agricoles d’Argentine, elle produit 53 pour cent des aliments consommés dans le pays et fournit la moitié du travail rural, d’après les chiffres officiels. Les organisations paysannes sont également à la tête des statistiques d’expulsions, emprisonnements et répressions, qui se sont transformés en faits quotidiens pendant la dernière décennie. L’avancée répressive a eu son point culminant le mois dernier : 35 paysans prisonniers et 95 mandats d’arrêt, et ce, dans trois provinces, Santiago del Estero, Mendoza et Formosa. Dénoncée comme une « chasse aux sorcières », la judiciarisation de la lutte rurale avance sur les familles qui refusent la culture de soja, sèment pour l’autoconsommation, élèvent des animaux et travaillent la terre de leurs propres mains, et qui sont la base de la pyramide rurale. « Les paysans en lutte souffrent une persécution politique, violente et impunie. Nous exigeons l’immédiate libération des compagnons, l’investigation des fonctionnaires, juges et policiers qui ont violé les droits de l’homme et nous exigeons la suspension des expulsions », a dénoncé le Mouvement National Paysan Indigène (MNCI), qui réunit 15.000 familles rurales de sept provinces.

À Mendoza, il n’y a pas de soja, mais l’avancée de la monoculture dans d’autres régions a produit le décalage de la frontière de l’élevage et entraîne par conséquent des expulsions. Des familles paysannes historiques ont observé comment les grands propriétaires ont avancé sur leurs terres. José Quintero a sept enfants, il habite à Jocoli, département de Lavalle et est membre de l’Union de Travailleurs Ruraux Sans Terre (UST). Son père élevait des animaux depuis 1976, et lui a continué l’office. Depuis plus de vingt ans, il occupe et travaille un terrain où broutent des chèvres, des cochons et des chevaux. Même s’il a une propriété protégée par la loi, la Ligue d’adjudicateurs a vendu la terre avec les paysans dedans. L’UST, membre du MNCI, a dénoncé ce fait et a obtenu que la Justice dicte « la suspension de toute la procédure de vente publique », et commence une investigation des faits. Elle a également admis la présentation des droits de possession de José Quintero. La propriété n’a pas pu être inscrite par les entrepreneurs, mais ceux-ci sont quand même entrés avec des bulldozers et ont commencé à saccager le mont. Quintero est allé au commissariat de Jocoli, mais la police n’a pas voulu recevoir sa plainte. Comme seul choix, et avec l’UST, il a commencé à arrêter les bulldozers. Les policiers ont alors agi : ils ont incarcéré Quintero et deux autres membres de l’organisation. Ils ont également ordonné la capture de dix autres travailleurs ruraux.

 « La Justice et la police n’agissent jamais face aux dénonciations des paysans. En revanche, il suffit d’un coup de téléphone des entrepreneurs pour que la police agisse immédiatement. », a dénoncé l’UST de Mendoza et a signalé la question de fond : « Il y a une évidente persécution et une criminalisation de la lutte pour les droits des paysans et une tentative d’installer la terreur dans la région, pour que les entrepreneurs puissent s’emparer des terres sans résistance de la part des possesseurs légitimes et légaux ».

Dans le département de San Rafael, dans le sud de la province, quatre autres militants paysans de l’UST doivent faire face à des procès, accusés d’ « usurpation » de la terre sur laquelle ils habitent depuis trois générations. 30 autres paysans sont inculpés pour avoir résisté à l’expulsion de leurs terres ancestrales. « Nous sommes protégés par des lois et des articles du Code civil, mais certains juges, procureurs et policiers semblent ne pas connaître la législation », ont dénoncé les Sans Terre de Mendoza.

À Formosa, le Movement Paysan Provincial (Mocafor) fait partie du récemment créé Front National Paysan (FNC), issu du conflit avec les entités patronales agricoles et le gouvernement, qui a soutenu la Résolution 125 (augmentation des taxes sur les exportations de grains, dont le soja ogm, NdT) et s’est mobilisé au Congrès pour qu’elle soit approuvée. Le gouverneur Gildo Insfrán est un allié du gouvernement, mais cela n’a pas eu d’influence au moment de criminaliser l’organisation. En deux jours, celle-ci a souffert la détention de trois militants, qui avaient résisté aux atteintes des entrepreneurs et l’ordre de capture de cinq autres a été lancé. Le centre du conflit est l’Estancia La Florencia, de 90 mille hectares, à l’ouest de la province de Formosa, qui prétend expulser ses habitants historiques. « Nous avions fait une trêve, sans mobilisations, en recherchant le dialogue, et la Justice, qui obéit au gouverneur nous jette en prison », a expliqué Benigno López, référent du Mocafor. Il a également souligné que dans tout le pays « la violence et la répression s’accentuent pour que les paysans abandonnent leurs terres, mais nous ne permettrons pas que cela arrive».

Pionniers dans la lutte contre la monoculture de soja et le déboisement, le Mouvement Paysan de Santiago del Estero (Mocase – Via Campesina) réunit 9000 familles. Ils font face aux paramilitaires et aux producteurs de soja, ils ont leur propre école, des radios communautaires et leurs initiatives productives. À chaque fois qu’ils ont été expulsés, ils ont réussi à récupérer leurs terres. Le mois dernier, ils ont été victimes de 29 détentions, 50 mandats d’arrêts, et de tortures propres de la dictature militaire, de pillages de leurs logements de la part des effectifs de police, de simulations de fusillade, de coups de feu avec balles en caoutchouc à une distance très proche, de coups, de torture.

 « Vu qu’ils n’ont pas pu coopter le Mocase-Via Campesina, ils prétendent le désarticuler et s’approprier des terres ancestrales. C’est une action conjointe du pouvoir politique et judiciaire de Santiago del Estero pour favoriser l’agrobusiness et les grands propriétaires de la terre », a affirmé l’organisation paysanne.

En seulement un mois, l’organisation a souffert une demi-douzaine de perquisitions dans les localités de Monte Quemado, Pinto, Quimilí, Tintina, Atamisqui et Termas de Río Hondo. La répression a inclus coups de poing, coups de pied, insultes, vols dans les fermes paysannes, ils ont détruit les logements, et en ont soustrait des outils en les emportant dans une camionnette. Toutes les opérations ont été réalisées de façon spectaculaire, avec plus de trente policiers avec des armes longues et le visage couvert. La police parcourait les parages et les fermes, perquisitionnait sans mandat judiciaire et détenaient sans aucune raison. « Une chasse aux sorcières », a dénoncé le Mocase-VC, également membre du Mouvement Paysan Indigène (MNCI).

Les accusations faites aux paysans vont de « vol d’un cheval » – d’après la plainte déposée et ayant provoqué des perquisitions massives –, jusqu'à de soi-disant « menace de mort, port d’armes, et vol de produits forestiers ». La plupart des procès sont entre les mains des juges Alvaro Mansilla, Jorge Salomon, Ramon Tarchini Saavedra et Anselo Juárez – ancien avocat de Musa Azar, chef d’intelligence de l’ancien caudillo de cette province –. « Ce sont les accusations qu’ont l’habitude de faire les grands propriétaires de la région contre ceux qui freinons le déboisement et les barbelés et qui faisons respecter nos droits. D’après les juges, lorsque c’est nous qui portons plainte, nous inventons, et lorsque c’est eux qui en déposent une contre nous, alors il s’agit de faits délictuels », a expliqué le Mocase-VC qui exige le respect de la Loi de Forêts (censée freiner le déboisement) et la norme d’ « Urgence Indigène 26 160 » (frein aux expulsions). Aucune de ces lois n’est respectée à Santiago del Estero.

Mercredi dernier, les paysans de Santiago ont installé une tente noire devant les tribunaux de la capitale provinciale. Ils exigent la libération immédiate et l’annulation des « procès inventés » qui maintiennent prisonniers depuis 40 jours Luis et Santos Gonzalez, membres du Mocase-VC accusés pour avoir résisté à l’expulsion de leurs terres ancestrales.

Darío Aranda, Página/12, 20 octobre 2008,
http://www.pagina12.com.ar/diario/sociedad/3-113628-2008-10-20.html

Traduit par eli

http://amerikenlutte.free.fr

 
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