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ARGENTINE : l’expérience de l’union des travailleurs sans emploi de Mosconi Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
20-05-2003

L’UNION DES TRAVAILLEURS SANS EMPLOI DE MOSCONI : ILS NE FONT PAS QUE COUPER DES ROUTES ...

LA LUTTE DE LA UTD (Union des Travailleurs sans emploi) DE MOSCONI par Andrés López d’ Indymedia Argentine, Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir -14 mai 2003 [1]

Le département de Gral. San Martín, dans la province de Salta, où se trouve la ville de Gral. Mosconi, est une zone très riche en gisements pétroliers et gaziers. Ces gisements furent exploités depuis 1922 par Yacimientos Petrolíferos Fiscales (YPF), créée durant le gouvernement H. Yrigoyen. Cette entreprise administrée par l’Etat national signifiait non seulement le contrôle des ressources naturelles non renouvelables mais générait des milliers de postes de travail dans la zone. Le gouvernement de Carlos Menem privatisa YPF entre les années 1991 et 1992 provocant des conséquences sociales et économiques destructrices.

Plus de 5 000 personnes sur une population active de 8 000 se retrouvèrent sans travail. Ce chiffre effrayant est un des facteurs à l’origine de l’organisation des chômeurs, comme l’exprime Hippie Fernández : “elle fut en gestation à travers le chômage qu’il y avait. C’est à dire que les gens l’ont créée, la marginalisation qu’il y avait dans le peuple, c’est cela qui a pratiquement formé la UTD (Union des Travailleurs sans emploi).” La UTD n’est pas un parti politique, ni n’accepte l’insertion d’aucun d’entre eux à l’intérieur de l’organisation.

En 1997 se realisa le premier barrage de route, aussi appelé piquete, organisé par plusieurs secteurs et organisations des villes de Mosconi et Tartagal. Ils réclamaient, entre autres choses, des postes de travail pour les chômeurs de YPF et des impayés de salaires aux entreprises d’Etat.

PUEBLADAS Y PIQUETES

Puebladas (soulèvements populaires) et piquetes convergent, pour la première fois, ici, où l’expérience du chômage s’exprime brutalement dans le plus cru déracinement affectant les travailleurs qui comptaient sur des carrières stables, quelques uns depuis trois générations, beaucoup d’entre eux travailleurs qualifiés, dans tous les cas, les mieux payés de l’Etat national. "D’un autre côté, nous trouvons les jeunes qui expriment une conscience plus "prolétaire", faiblement qualifiés et parfois sans aucune expérience de travail, mais avec une haute conscience de leur situation de pauvreté." Après le second grand barrage de route, en décembre 1999, la UTD de Gral. Mosconi, reçu les premiers plans de chômage [2], administrés directement par l’organisation.

Rosa, de la UTD de Mosconi, nous relate ces premiers temps de lutte et comment se virent-ils/elles obligé-e-s de continuer de réalisar d’autres barrages de route : " ... nous allions obtenir ce qui devait être pour nous mais ce fut la municipalité qui se l’accapara, les gens de la municipalité avait placé tous les leurs, jusqu’à des gens qui étaient déjà en train de travailler qui furent contractés dans les plans de travail. Ce n’est pas logique que ceux qui se sont battus pour du travail n’en aient pas. Donc, en 98 nous sommes sortis une autre fois, et avons décidé de ne rien demander à la capitale. Donc nous nous sommes indépendantisés de la municipalité, nous avons reçu 1776 plans qui sont actuellement utilisés dans la UTD ; nous continuons à nous battre, parfois 300 personnes ne touchent pas de plans et nous sortons sur la route, le mois suivant c’est la même chose. C’est à cause de cela que nous avons des inculpations."

Depuis lors, la UTD a élaboré autour de 600 ouvrages. Ils ont créé des potagers et des lieux récréatifs, construit des maisons en dur à la place des cabanes en bois des bidonvilles. Hippie détaille : "On en a montés 96 en pratiquement six ou huit mois, alors que la municipalité en avait fait trente en quatre ans avec le plan « Nouveau Foyer »." Ils ont aussi construit des salles de premiers soins, des cantines communautaires, des laboratoires et des salons multi-usages. Ils ont rénové des salles de cours dans les écoles. Ils ont installé des jeux pour les enfants sur les places et différentes oeuvres d’infrastructure ainsi que d’autres projets productifs, parmi lesquels cinq fabriques de briques. Ces oeuvres sont réalisées par 1389 femmes et hommes.

L’OEUVRE CONSTRUCTIVE DE L’UTD MOSCONI

La UTD presente des projets pour lesquels ils obtiennent de nouveaux plans sociaux pour les chômeurs. Pour cela ils ont un bureau administratif et un autre technique qui planifie et organise l’execution des projets. Il faut prendre en compte que la UTD de Mosconi a réalisé un travail énorme de reconstitution du tissu communautaire, non seulement dans un contexte de crise et de fragmentation sociale généralisée mais aussi dans un fort isolement géographique par rapport au reste du pays.

Depuis le 30 août 2002, fonctionne une foire-exposition sur la place principale de Mosconi où ils vendent au public différents produits dont ceux des 56 potagers qui sont maintenant des petites unités productives. Ces potagers fournissent des cantines communautaires et l’hôpital. "Et si nous parlons de projets productifs, on a maintenant commencé le recyclage du plastique et se compactage." Ce plastique compacté et emballé est échangé contre des outils. Rosa travaille dans ce projet de la UTD, elle en est la responsable. Le matériel recyclé est échangé à l’entreprise Refinor contre des outils, du ciment, du fer, de la chaux, différentes machines pour couper la pelouse par exemple. "Nous sommes sur le point d’obtenir une machine à compacter plus grande, nous espérons que nous allons travailler tous unis avec mes camarades et allons sortir par l’avant." Parmi les projets actuels actifs se distinguent la construction d’une Université, d’un pôle pétrochimique et les rénovations de l’aéroport et de l’hôpital de Mosconi.

UNE REPRESSION FEROCE

Hippie affirme : "Les oeuvres qu’a réalisée la UTD ont fait économiser beaucoup de millions à la province et à l’Etat national." Cependant, ces chômeurs connus comme piqueteros, sont réprimés par les gouvernements, par la gendarmerie (corps militaire). Ces répressions ont abouti à l’assassinat de quatre personnes, dont Anibal Veron. Elles ont également fait plusieurs blessés qui ne recoivent toujours pas l’attention sanitaire dont ils ont besoin. Corina, de la Commission d’enquête indépendante sur les répressions nous décrit la souffrance et l’abandon des blessés.

Mis à part Ivan Dorado, qui est interné dans un hôpital de Buenos Aires et qui attend la concrétistion de vaines promesses d’un traitement à Cuba, il y a plus de cas : "Le compañero, Cachito (Frías) a cinq balles dans le corps et le compañero Figueroa en a dans la jambe mais on ne peut les lui enlever car il est diabétique. Il y a un autre compañero Carlos Aranda qui a une balle dans la colonne, il est père de deux enfants et ne peut plus travailler, il fait aussi parti de la Commission.

L’hiver, ils souffrent terriblement, nous les voyons pleurer de douleur, nous essayons de les aider, nous essayons d’avoir toujours une aspirine à la maison, nous leur disons que lorsqu’ils sentent la douleur, ils peuvent venir à n’importe quelle heure taper à la porte, si nous avons quelques pesos nous achetons l’injection (...) moi aussi je travaille avec les plans, nous travaillons tous avec les plans, nous gagnons les 150 pesos (50 euros) qu’ils nous donnent qui ne suffisent pour rien (...) dans le nord il y a une pauvreté qui ne peut pas s’expliquer, il y a des mères qui ont 5, 6 enfants, 10 enfants... "

Corina nous explique aussi quelques unes des raisons pour lesquelles elle coupe la route : "J’ai participé à des barrages de routes pour demander un travail, je suis seule, j’ai deux enfants et j’ai besoin de travailler. J’ai besoin que mes enfants étudient et cela me porte à sortir sur la route, à demander à cris du travail, du pain, de la nourriture. Ce dont nous avons besoin c’est que nos enfants étudient, qu’ils ne soient pas comme nous qui n’avons pu étudier. Je me rend compte maintenant que je suis maman, que le meilleur que puisse donner un parent à son enfant ce sont des études, si tu n’as pas fait d’études tu ne peux pas travailler."

 

L’UNION DES TRAVAILLEURS SANS EMPLOI DE Gral. MOSCONI ILS NE COUPENT PAS SEULEMENT LES ROUTES[3]
« Ici, on ne s’en prend pas aux gouvernements national et provincial, on s’en prend aux grands capitalistes du monde »

Introduction Dans cet article, nous allons nous intéresser aux propositions et réalisations productives de l’Union des Travailleurs sans emploi (UTD) de Gral Mosconi. Nous soulignons que celles ci ne sont pas exclusives de l’UTD, vu qu’en plus ou moins grand degré de développement, on les rencontre dans les autres mouvements de chômeurs. Nous avons choisi l’UTD comme étude de cas pour représenter un des points les plus avancés des réponses apportées par les travailleurs au fermetures des entreprises et au chômage.

Un peu d’histoire

« L’industrie pétrolière ne donne pas de pertes. Il fut demandé à Rockefeller quelle industrie rapporte le plus d’argent dans le monde et il répondit : « une entreprise pétrolière bien organisée », et la seconde ? « une entreprise pétrolière mal organisée ». YPF faisait partie de cette deuxième catégorie, elle achetait aux compagnies privées le baril à 18/20 dollars quand il en valait 12 et c’était le même pétrole qui sortait du même endroit. C’est ce que faisaient les gouvernements pour remplir leurs poches et celles des compagnies privées » (Jose « Pepino » Fernandez).

La localité de Gral. Mosconi, dans la province de Salta, compte 6 000 chômeurs pour une population de 22 000 habitants. De la même manière que la ville de Tartagal dans la même province et que les peuplements de Cutral-Co et de Plaza Huincul dans la province de Neuquèn, ses habitants ont souffert d’une forte détérioration sociale lors de la privatisation de Yacimientos Petroliferos Fiscales (YPF). « Quand YPF était présente, il y avait 95 % d’occupation et maintenant avec l’arrivée des compagnies privées, nous avons 60 % de chômeurs et 20 % de sous occupation » (Pepino).

Le temps que dura l’argent des indemnisations entre 1993 et 1996, la situation sociale s’est maintenue mais la reconversion des travailleurs en commerçants ou en petits fournisseurs de services aux compagnies pétrolières a échoué.

« Nous n’avons jamais été commerçants, encore moins entrepreneurs, nous avons toujours vécu en relation de dépendance » (Pepino). En avril 1996, comme réponse à la détérioration sociale, est née l’UTD, à l’initiative de Juan Nievas, membre du Courant Classiste et Combatif (CCC). [4] « L’UTD a été créée par quelqu’un de la CCC qui ensuite s’est éloigné. La première action fut l’occupation du Conseil municipal pendant 23 jours. Ils obtinrent les premiers Planes et des sacs de nourriture. C’était le commencement de la crise sociale donc les gens décidèrent de lutter, ce fut la naissance de ce mouvement » (Pepino).

A la fin des années 2000, l’UTD gérait mille plans de travail et avait placé, au moyen de sa Bourse de Travail, 1600 personnes dans l’industrie pétrolière et 450 dans des travaux agricoles, avec des salaires qui allaient de 1000 à 3000 dollars. L’UTD ne lutte pas seulement pour les travailleurs sans emploi. Elle intervient également dans la fixation des conditions de salaires et de travail pour les travailleurs de la construction, les travailleurs ruraux ou ceux des industries pétrolières privées, secteurs où les syndicats soit brillent par leur absence soit trahissent directement leurs affiliés. [5] « Les syndicats sont restés à la marge, ils sont tous achetés, ils ne vont pas bloquer les accès aux entreprises pétrolières, nous si. Donc les compagnies préfèrent négocier avec nous. Les périodes de repos, les horaires de travail, tout ». « Les travailleurs qui bénéficiaient des conventions collectives rurales ou de l’UOCRA (syndicat de la construction), nous les avons fait passer à celle du secteur pétrolier, de 250 dollars à 1200/1500 dollars. Ici nous sommes arrivés à faire passer l’heure dans la construction de 0,89 à 2,50 dollars » (Pepino).

Ce type d’activités pourrait nous conduire à l’erreur de penser l’UTD comme un nouveau type de syndicat comparé aux syndicat traditionnel qui négocie avec les entreprises et l’Etat, même si la différence est que l’UTD organise aussi les travailleurs sans emploi qui se trouvent hors des structures syndicales. Mais ce n’est pas le cas. Sa représentation s’étend à divers secteurs de la communauté. « On demande pour les professeurs, pour les hôpitaux, pour les pompiers, pour les retraités, pour les malades, pour tous, nous nous occupons également des étudiants, on revendique pour l’ensemble du peuple » (« Flaco »). Les communautés indigènes de la région qui centrent leur principale revendication sur le problème de la terre ne restent pas non plus à l’écart de l’activité de l’ UTD. « Nous avons rénové l’école des wichi-mataco, ils ont une fabrique de briques, nous leur construisons maintenant un atelier pour leur artisanat et on leur a laissés une participation dans le centre technologique et de recherche » (Pepino).

Ce ne sont pas seulement leurs revendications et leurs réalisations, au delà du caractère généralisé de celles-ci à toute la population, qui donne à l’UTD une caractéristique spécifique. Ce qui distingue ce mouvement est sa préoccupation centrée sur le développement de projets productifs qui mettent en avant les potentialités économiques de la région.

Alors que le reste des mouvements de travailleurs sans emploi développe des activités productives liées à une économie de subsistance, l’UTD de Mosconi, face à la défection de l’Etat national et provincial, a généré une série de propositions qui se matérialisent dans plus de 300 projets productifs de différentes natures.

« Quand on a inauguré une fabrique de vêtement, produit d’un accord entre l’UTD et Pluspetrol, les fonctionnaires nous disaient : « Comment va-t-il y avoir une fabrique de vêtement si ils s’en vont ?, et je leur répondit : « cela ne m’importe pas, ce qui m’importe c’est l’impact social et économique ». Le projet n’était pas de l’UTD mais d’un particulier qui me l’avait donné parce que les fonctionnaires politiques ne voulaient rien savoir, donc Pepino et moi avons parlé avec le gérant de Pluspetrol qui a donné la toile et les machines. Nous recyclons aussi du plastique que nous échangeons contre des outils des entreprises pétrolières. Nous pensons faire une poubelle électromécanique qui coûte 50 000 dollars pour recycler le plastique, l’aluminium et le carton. Quand nous en parlons aux fonctionnaires politiques, ils nous regardent de haut en bas et pensent que nous sommes fous, ou simplement cela ne leur convient pas parce qu’on touche à tous les pouvoirs, ce qui est le domaine des politiques, pas le notre, mais toi tu ne peux pas le leur laisser et ne pas le faire, sinon quelle alternative donnes-tu à tes enfants et à ceux qui viennent derrière ? » (Juan Carlos « Hippie » Fernandez).

C’est précisément le manque de projet national et provincial pour développer économiquement et socialement la localité qui a obligé les référents de l’UTD à prendre des tâches administratives de gestion à l’exception de la collecte des ordures et de la perception des impôts. C’est difficile de déterminer si ce fut une politique consciente et, de toute manière, ce n’est pas le sujet de cet article, mais il existe peu de doutes que devant le manque de références politiques traditionnelles, ils aient été placés à ces fonctions par la communauté. « La UTD n’a pas de personnalité juridique, ce n’est pas quelque chose de formel, elle a gagné un espace parce qu’elle a fait ce que les partis politiques et les ONG n’ont pas fait ». Il ne fait non plus aucun doute sur l’engagement politico-social de ses représentants. « Chacun doit travailler pour la communauté, par exemple, si je vis dans un quartier où il n’y a pas de place, que viennent des personnes et qu’ils mettent des arbres, des jeux pour les enfants, il vaut mieux que j’aide ces gens. Ceci sont les exemples que nous donnons. Nous regardons tout ce qui fait défaut dans la communauté, nous faisons ces travaux et ce n’est pas difficile, c’est pourquoi nous le faisons avec tant d’enthousiasme ou pourquoi tout le monde nous aident » (Hippie).

Planification, éducation et moyens humains

La planification pour développer les projets productifs occupe une place centrale. Les études sont réalisées par le Bureau Technique de l’UTD sur la base d’un « Plan Régulateur » développé par des professionnels et des techniciens de YPF en 1995.

« C’est un livre où tout est structuré, où doit aller l’hôpital, un arbre, une place, etc. En 1999, il fut revu par l’UTD à partir de statistiques actualisées. Il comporte maintenant la construction d’une Université, d’une station d’épuration d’eau et d’autres projets productifs » (Hippie).

L’éducation joue également un rôle fondamental. « Je réfléchis à l’institution éducative parce que c’est ce que tu dois récupérer et c’est ce qui se perd. La globalisation, le capitalisme, va gagner la bataille parce qu’il détruit l’éducation. Les centres de recherche sont en train de disparaître à cause des coupures budgétaires. Ils veulent te rendre plus ignorant pour te dominer. Je suis en train d’essayer que cela n’arrive pas à Mosconi » (Hippie). Ils ne négligent pas non plus les ressources humaines de la zone. « Nous formons un groupe de 15 garçons et leur enseignons à réaliser les projets. Ce sont des étudiants qui ont un haut niveau mais pas de débouché, pas d’argent pour rentrer à l’université » (Pepino). « Le Centre de Recherche et de Développement Agro-industriel te donne une alternative, l’école industrielle t’en donne une autre, parce que si tu n’as pas un bureau administratif, un bureau technique, des gens qualifiés, un bon maçon, un bon menuisier, un bon plombier, quelqu’un qui sache s’occuper d’un potager, d’une briqueterie, qui connaisse, par rapport à l’environnement, le recyclage, tu ne peux pas » (Hippie).

Les Planes Trabajar

 « Quand le gouvernement a donné les Planes Trabajar, il croyait que nous allions défricher ou balayer les rues, mais quand nous sommes allés discuter à Buenos Aires nous leur avons dit que ces Planes était une marginalisation. Je ne vais pas demander des Planes Trabajar, je vais lutter pour nos ressources : le gaz et le pétrole, pour que les compagnies pétrolières réinvestissent l’argent qu’ils prennent ici, pour que les profits pétroliers, gaziers servent aux projets productifs » (Hippie). Toujours cette logique productiviste éloignée des conduites clientélistes. « Les Planes Trabajar sont utilisés par des chômeurs qui travaillent dans les entreprises multinationales, dans un certain sens c’est du vrai travail mais temporaire » (Hippie). Mais ces Planes ne se limitent pas au travail temporaire dans les entreprises pétrolières. « ’ Nous avons construit plus de 80 maisons, six salles de premiers soins, des cantines communautaires, des cantines scolaires, etc. Il y a les pépinières, les potagers communautaires qui se transforment en fermes intégrales, avec des porcs qui s’adaptent très bien à la zone » (Pepino). La tactique de pression sur les entreprises et les coupures de routes Le fait de mettre la pression sur les entreprises, non seulement leur permet de faire employer des travailleurs et d’arracher de meilleures conditions de travail et de salaire mais également d’obtenir les matériaux et les outils pour réaliser leurs projets productifs. « Ici, on ne s’en prend pas aux gouvernements national et provincial, on s’en prend aux grands capitalistes du monde. Ce sont eux qui ont les grands investissements ici. Un gazoduc de 900 km ne coûte pas 10 pesos, une fabrique de pétrole non plus. Un puit vaut entre 50 et 200 millions de dollars. Quand on coupe l’accès aux industries pétrolières, cela leur coûte entre 5 000 et 20 000 dollars par heure » (Pepino).

Quelle est la place des dures et longues coupures de routes qui ont médiatisées l’UTD ? L’opinion de ses référents éclaire cette forme de lutte et comment elle se décide. « Qu’est ce qui peut amener en dernier recours les gens à couper la route ? C’est est un processus, c’est lorsque tu réclames certaines choses et qu’il n’y a pas de réponses. C’est ceci qui pousse les gens, pas l’UTD, à couper la route » (Hippie). « Donc on fait une assemblée et on décide d’aller couper la route » (Tomas). « … et l’assemblée rassemble tout le monde » (Flaco). En mode de conclusion Cinq morts, un invalide, plus de 120 blessés par balles, des centaines d’inculpés, c’est le coût qu’a eu à payer la population de Gral Mosconi pour tenter de reconstruire leur communauté. Ceci est la partie de l’histoire qui est occultée. « Nous sommes en train de faire pratiquement le travail du gouvernement mais tandis qu’eux se remplissent les poches, nous nous remplissons de procédures judiciaires. Ceci est la différence, nous, nous devons lutter pour essayer de survivre, de nous en sortir, mais ils ne nous laissent pas faire… ils ne nous laissent pas faire… » (Pepino). Le plus grand crime dont peuvent être accusés les travailleurs sans emploi par le gouvernement national et provincial est d’appartenir à des mouvements organisés. Pourquoi ? Parce que dans notre pays un chômeur organisé est un risque. L’élite peut accepter que les chômeurs demandent des faveurs ou la charité, elle ne se plaindra pas de ceux qui sont abattus ou sous la tutelle de quelque puntero [6] politique, mais jamais elle n’acceptera qu’ils s’organisent de manière autonome pour exiger leurs droits. S’ils réalisent une occupation ou une coupure de route, leur cri n’est pas isolé, cela engendre une cohésion et oblige la société à se manifester. Ce que font les mouvements de chômeurs, c’est de réunir des personnes en leur donnant un sentiment d’unité pour lutter ensemble et dans la mesure où cette initiative sociale se généralise, elle oblige le gouvernement à réagir, soit avec des subventions, soit par la répression et l’assassinat impuni. En créant une conscience sociale et politique, en massifiant les mouvements et en incorporant maintenant des dizaines de milliers de personnes, les organisations de travailleurs sans emploi se démarquent clairement des actions d’assistanat impulsées par le gouvernement et l’Eglise et préfigurent un autre type d’ordre social.

[1] Version audio (en espagnol) en ligne sur : http://argentina.indymedia.org/news...

[2] Planes trabajar o jefes y jefas : « contrats » de 2O heures par semaine payés 150 pesos (300 francs) par mois utilisés par les collectivités publiques. Ils furent obtenus grâce à la lutte des piqueteros (chômeurs qui coupent les routes). Les mouvements de piqueteros ont également obtenus la gestion directe d’une partie de ces plans, les bénéficiaires travaillent donc « au service » des mouvements, ce qui d’ailleurs posent quelques problèmes de « clientélisme », surtout dans les mouvements de chômeurs des partis d’extrême gauche (N.d.T.).

[3] Texte tiré de Produciendo Realidad - las empresas comunitarias , Topia editorial (Buenos Aires), nov. 2002 [4] CCC : organisation de chômeurs du Parti Révolutionnaire des Travailleurs - PRT (maoïste). (N.d.T.)

[5] Le Parti Justicialiste (péroniste) a développé un clientélisme important, politique que l’on pourrait qualifier de mafieux (à l’image des syndicats d’Al Capone, le principal syndicat argentin, la CGT, est complètement inféodé au péronisme) (N.d.T.).

[6] punteros : hommes de main du Parti péroniste dans les quartiers, ils sont chargés entre autres « d’acheter » des votes, ils sont le maillage d’un véritable système de favoritisme politique. (N.d.T.).

Mario Hernandez Traduction Fab, Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir

Les textes ci-dessus sont issus de la brochure « Luttes sociales en Argentine », contenant des traductions d’articles et de textes argentns sur les mouvements piqueteros, les entreprises récupérées et autogérées, les assemblées de quartier, parue en 2003.

http://amerikenlutte.free.fr

 
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