Haïti : Zones rouges, zones vertes - sécurité contre aide humanitaire ? |
02-02-2010 | |
[Les liens sont en anglais] Plus de deux semaines après le tremblement de terre du 12 janvier en Haïti, des bilans avancent qu'il aurait fait plus de 100 000 victimes et un million de sans abri (Haiti Vox a publié une traduction partielle d'un bulletin d'information du gouvernement haïtien dans ce sens, ainsi que d'autres statistiques). L'avalanche d'aide envoyée de nombreux pays du monde entier, la présence en Haïti de milliers de travailleurs humanitaires, de casques bleus de l'ONU, de troupes américaines, n'y font rien : selon des informations livrées par les blogueurs sur place, un pourcentage important de rescapés haïtiens, à Port-au-Prince ou alentour, reçoivent peu ou pas d'aide du tout.
L'amplitude du désastre lui-même est l'une des raisons de cette situation, aggravée par des structures gravement endommagées et l'anéantissement des services de l'état haïtien, dont beaucoup de hauts fonctionnaires sont décédés. Cependant, des Haïtiens, que ce soit sur le terrain, ou en ligne, disent et écrivent que des précautions exagérées contre la sécurité et la violence freinent le déploiement de l'aide. Un de ces commentateurs sans langue de bois est le musicien Richard Morse, qui est également propriétaire d'un hôtel à Port-au-Prince, l'Hôtel Oloffson, où beaucoup de journalistes étrangers sont logés. Juste après le tremblement de terre, Richard Morse a commencé à chroniquer et commenter la situation sur son compte Twitter ( @RAMhaiti), et il continue aujourd'hui à publier des informations. Le 18 janvier, il a annoncé avec indignation que le personnel des Nations Unies évitaient certains quartiers de Port-au-Prince. Il ajoute : Il se réfère à un système qui date d'avant le séisme, dans lequel la ville de Port-au-Prince était découpée en zones “rouges” et “vertes” selon le niveau estimé de risques pour la sécurité des personnels de l'ONU et d'autres organisations. Beaucoup de quartiers du centre-ville sont classés en zone “rouge”, alors que la zone de Petionville par exemple, plus riche, au sud-est, est en zone “verte”. Les personnels de l'ONU doivent avoir une escorte militaire pour entrer dans les zones “rouges”, pour quelque raison que ce soit, même la distribution de l'aide (selon le Bureau de l'ONU pour la coordination des opérations humanitaires). Déjà, avant le tremblement de terre, des habitants estimaient déjà que ce zonage de la ville désavantageait certains quartiers, comme exposé dans un rapport de l'Agence Canadienne de Développement International sur le quartier de Bel Air en septembre 2009 . Au cours des jours suivant, Richard Morse a continué à commenter les effets du zonage en zones “rouges/vertes”, affirmant qu'il était plus politiques que dû à des raisons de sécurité, et qu'il affectait les opérations de secours : Le 22 janvier, l'organisation basée aux États-Unis Democracy Now a publié un reportage-vidéo sur son blog, faisant les mêmes constats. Le reportage cite Sasha Kramer de l'ONG écologiste en Haïti Sustainable Organic Integrated Livelihoods (SOIL):
La photographe britannique Leah Gordon, qui travaille avec l'ONG HelpAge International, a publié plusieurs photos de Haïtiens âgés dans les “zones rouges” de Port-au-Prince dans la galerie-photos sur le site Flickr HelpAge (Aidez la vieillesse) D'autres sources avancent aussi que les inquiétudes pour la sécurité jouent aussi un rôle dans des zones situées en-dehors de Port-au-Prince. Le site Haiti Analysis a publié un article (daté du 26 janvier) de la journaliste Kim Ives dans l'hebdomadaire Haïti Liberté, décrivant un largage aérien de nourriture à Léogane, près de l'épicentre du séisme.
Le journaliste indépendant Ansel Herz, qui vit à Port-au-Prince depuis septembre 2009, écrit sur son blog Mediahacker (le 19 janvier) que les biais des reportages diffusés par les médias internationaux pourraient être responsable de l'aggravation des craintes des humanitaires sur place :
Il a répété cet appel sur Twitter (@mediahacker): “Stop à ces nouvelles de criminels violents. Parlez aux gens, pas à la police” Le travailleur humanitaire en Haïti Troy Livesay (@troylivesay) a également publié à plusieurs reprises qu'il avait été témoin de très peu de violences dans les rues. Et le 26 janvier, deux témoins oculaires ont témoigné via Twitter qu'une distribution d'aliments près du Palais national en ruines de Port-au-Prince, surveillée par les casques Bleus de l'ONU, avait dégénéré. “Soldats brésiliens ont tiré gaz lacrimogènes !” a écrit l'utilisateur de Twitter @karljeanjeune. Le journaliste radio haïtien Carel Pedre (@carelpedre) a commenté :
Olivier Dupoux (@olidups) est resté septique. “Je ne pense pas que tu croies vraiment qu'il font ça parce qu'ils s'ennuient ou qu'ils testent de nouveaux gaz ” a-t-il répondu via Twitter. Quelques heures plus tard, Carel Pedre mettait en ligne sur Youtube une vidéo semblant confirmer que les Casques bleus utilisaient du gaz au poivre, alors que la file d'attente était dans l'ensemble plutôt calme. Il a également publié cinq conseils aux logisticiens de l'aide :
La directrice de Global Voices, la Trinitéenne Georgia Popplewell, est sur place en Haïti avec deux autres membres de la communauté Global Voices, et a publié quelques réflexions sur son blog pour mettre ces informations en perspective :
|