Argentine: les curés de la dictature
05-07-2007

En silence, les curés militaires qui ont agi durant la dictature (1976-1983) ont été démis de leurs fonctions. Les retirés "pour l'âge" incluent Zanchetta, qui réconfortait les marins après les vols de la mort, Mecchia, créateur de la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire, et Mafezzini, curé major de l'Armée de mer.

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"L'utile s'est joint à l'agréable et, surtout, avec discrétion." Sous cette prémisse et avec l'irréfutable  documentation des archives, des fonctionnaires de la Chancellerie, de la Défense et des Droits Humains ont obtenu que les curés militaires qui avaient accompli des tâches durant la dernière dictature fussent déplacés. La longévité a été l'excuse formelle pour qu'Alberto Zanchetta, l'un des prêtres qui "réconfortaient" les employés de l'Armée de mer après les vols de la mort, a du prendre sa retraite. Le même sort a été réservé à Luis Mecchia, qui depuis  1961 a participé dans l'Armée à l'implantation de la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire et sous la présidence de facto de Jorge Rafael Videla a prêté  service dans Campo de Mayo (base militaire) où a fonctionné l'un des plus grands centres de tortures et d'extermination. Angel Mafezzini, curé major de l'Armée de mer et membre du premier groupe qui a débarqué aux Malouines, a aussi été mis à la retraite. La continuité des prêtres liés au terrorisme d'État met en évidence que l'Église continue d'être la corporation la plus réfractaire à réviser ses conduites. Avec un état de service encore plus aberrant, cette semaine commence le premier procès à un prêtre pour des délits de lèse humanité : Christian Von Wernich. Moulé par les mêmes préceptes, de la main de Ramon Camps (chef de la police de la province de Buenos Aires), il avait officié comme assistant pirituel de la Police de la province de Buenos Aires. (...)

Le prêtre Alberto Zanchetta est peut-être le personnage le plus paradigmatique de ce lien solide entre religion et milice qui a signé une grande partie de l'histoire argentine. Zanchetta a été dénoncé par le capitaine de l'Armée de mer de l'époque Adolfo Scilingo comme l'un des prêtres qui en 1977 étaient chargés d'assister spirituellement les officiers de l'ESMA (Ecole Mécanique de l'Armée de Mer), les membres des groupes de tâches qui séquestraient, torturaient et jetaient vivants à la mer les prisonniers de ce camp de détention clandestin. En raison de son efficacité dans ce travail, il a toujours eu une place dans le coeur de l'arme que commandait avec une main de fer Eduardo Emilio Massera . À partir de la récupération démocratique il a su maintenir en poste : il est devenu le chef du Service Religieux du Commando d'Opérations Navales de la Base de Puerto  Belgrano et il a occupé jusqu'en décembre 2004, le poste de chancelier et le secrétaire général de l'évêché militaire. (...)

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Informée des subterfuges pour éviter les expositions publiques qui faisaient la continuité de ses "bergers" insoutenable, l'Église a décidé de retirer Zanchetta de la structure hiérarchique de l'évêché militaire. En décembre 2004, Baseotto l'a envoyé assister spirituellement les forces spéciales de paix qu'a dépéché l'Argentine à Haïti. Après de si louables services est arrivé son tour de passer à la retraite. (...)

Luis Mecchia, le prêtre de l'Armée à l'École d'Intelligence, prêchait l'imminence d'une guerre civile. "Beaucoup m'ont cru", s'est-il vanté. "Nous le discutons au niveau supérieur. Plusieurs fois ils m'ont appelé pour savoir sur la base de quels éléments je soutenait cette thèse. Les hauts commandements ont été d'accord avec le diagnostic. Il leur était difficile de rompre la stabilité institutionnelle, jusqu'à ce que quelqu'un leur a fait comprendre qu'une chose est la légalité et une autre la justice." Comme il était précis de "sauver le pays et le sens argentin de l'existence" des "méthodes expéditives" ont été adoptées, pour "freiner les extrémistes et la guérilla internationale". Les opérations ont été clandestines. "Disons le ainsi, avec la discrétion de celui qui sait interpréter ce que je dis : si quelqu'un est surpris armé, il vaut mieux oublier son nom. Quand nous nous trouvons devant un homme armé, la règle est de faire feu d'abord. Gagne la guerre celui qui commet le moins d'erreurs." Pour décrire ses adversaires, Mecchia dit que ce sont ceux qui "ont des idéologies marxistes, organisent des grèves, distribuent des tracts, sèment des clous dans les rues ou lancent des bombes de fumée". Le traitement qui leur est donné diffère selon les zones. "Dans l'intérieur du pays les rebelles capturés sont envoyés en instituts de reéducation. Il est préférable de ne pas demander où. Dans la zone métropolitaine, tout est fait pour ne pas les capturer." Mecchia a aussi revendiqué ce qu'il a appelé la "propagande grise", destinée à détruire "pas eux mais leurs familles" et il a dit qu'il avait organisé un "programme de reéducation philosophique, chrétienne, sociale de ces gens". Sa conclusion était : "avant de se pronocer sur les fameux Droits de l'Homme, il faut connaître beaucoup de choses". (...)

À la lumière des antécédents, l'accomplissement des normes bureaucratiques c'est-à-dire arriver à la limite des 75 ans, est la seule règle qui émeut les principes de l'Église.

 

Nora Veiras, Pagina/12, 01 juillet 2007. Traduction: http://amerikenlutte.free.fr