Argentine: le curé Von Wernich refuse de se confesser
06-07-2007

A commencé hier le premier procès contre un membre de l'Église pour homicides, séquestrations et meurtres durant la dernière dictature (1976-1983). Le prêtre n'a pas répondu aux questions des juges, qui ont lu les preuves accumulées contre lui. Cecilia Pando (femme d'un militaire "mis à la retraite pour justification de la dictature) est allée soutenir le répresseur.

Avec un gilet pare-balles, un vêtement obscur, une chemise grise et le col qui l'identifie comme prêtre, Christian Von Wernich est entré dans la salle d'audiences. Il a pris un instant la main à Cecilia Pando et s'est assis derrière la vitre blindée spécialement installée pour lui. Seulement quelques sifflements ont été entendus en provenance du fonds de la salle. Les Mères de la Place de Mai, assises dans les trois premières rangs de la salle, le regardaient en silence. Derrière les juges, on pouvait voir un grand crucifix. Un moment auparavant, le son de la manifestation qui s'était réalisée devant la porte du tribunal était arrivé avec éclat au premier étage : "Vient de commencer le procès contre le génocidaire Von Wernich. C'est une victoire du peuple. Nous voulons  tous les génocidaires en prison maintenant", disait une femme dans un mégaphone.

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(...) Après que le secrétaire du tribunal ait lu l'accusation, un Von Wernich de 69 ans et en bonne forme s'est assis sur le banc des accusés. Il a touché le micro pour voir s'il fonctionnait et a dit son nom complet : "Christian Federico Von Wernich".

- Vous avez un surnom ?, a demandé le juge Rozanski
- Queque. Tous me connaissent comme Queque.

Il a dit qu'il était né à San Isidro le 27 mai 1938, et qu'il était célibataire.

- Profession ?
- Prêtre de l'Église Catholique Apostolique Romaine, a-t-il répondu. Il a aussi signalé qu'il touchait une retraite de 250 pesos pour avoir été professeur. "Je l'ai obtenue après avoir été mis en prison. Je vous  rappelle que je suis prisonnier depuis quatre ans, a-t-il ajouté, avant ce que me donnait notre église me suffisait."

- Etudes ?, a continué Rozanski.
- toutes... Primaire complète, secondaire complète et les nôtres.

- je ne comprend pas.
- les nôtres, les études ecclésiastiques ... dix ans.

"Von Wernich assassin!!", a-t-on entendu à ce moment. La salle était en silence. Le cri montait de la manifestation dans la rue. Le prêtre s'est mis le doigt sur l'oreille et a fait un geste pour montrer qu'il  n'écoutait pas.

Rozanski a pris la parole et a commencé à lire les crimes pour lesquels Von Wernich sera jugé. Ainsi, a-t-il nommé toutes les victimes du prêtre. Helena de la Cuadra, Hector Baratti, Juan Ramon Nazar, Luis Velasco, Héctor Ballent, Ramon Miralles, Domingo Moncalvillo, Cecilia Idiart, Jacobo Timerman, Osvaldo Papaleo faisaient partis de ceux-ci. L'accusé se maintenait sérieux. Il s'est maintenu de cette manière durant toute l'audience. Parfois il levait les sourcils et accomodait sa chemise, comme si le col l'étouffait.

Quand le juge lui a demandé s'il allait déclarer, il a répondu qu'il allait utiliser son droit de ne pas parler. "En suivant les indications de mon avocat, le docteur Martin Cerolini, je ne vais répondre à aucune question", a-t-il dit.

"Von Wernich, ton silence est complice!", a-t-on entendu dans la salle. De nouveau le son du mégaphone qui arrivait depuis l'extérieur où, évidemment, ils étaient informés minute à minute de ce qui se passait dans la salle. Comme le prêtre s'est refusé à déclarer -il peut parler à n'importe quel moment du procès-, l'audience d'hier a consisté en la lecture des charges, les preuves qui se sont réunies durant l'investigation et deux déclarations antérieures de Von Wernich. L'ex-curé de la police de la province de Buenos Aires a été tout le temps assis près de son avocat derrière la vitre blindée et à côté de Cecilia Pando, qui est allée faire ce qui lui plaît le plus : défendre les répresseurs devant les caméras de tv. "C'est un cirque romain. Qu'est-ce qu'ils ont contre le père ? Qu'est-ce qu'ils ont prouvé ?", disait-elle.

La séparation qui protégeait l'accusé s'explique parce que lors du procès contre Etchecolatz, qui s'est réalisé l'année dernière, des bombes de peinture rouge ont été lancée sur l'assassin. A La Plata, de plus, on se rappelle encore du contenu d'un pot d'yaourt qui a taché le même Von Wernich quand il a été cité à déclarer dans le Procès pour la Vérité, le jour où il a été arrêté pour la première fois.

(...)

On prévoit que plus de 120 personnes témoigneront pour ratifier la participation de Von Wernich dans les centres clandestins de détention. Le procès continuera mardi prochain et prendra fin le 13 septembre.

"Apparition en vie maintenant", disaient les mouchoirs blancs avec le visage du témoin disparu Jorge Julio López qu'à la fin de l'audience, plusieurs personnes ont levé. En silence. On n'écoutait plus la manifestation de la rue.

Victoria Ginzberg, Pagina/12, 06 juillet 2007. Traduction: http://amerikenlutte.free.fr

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