Nicaragua : saisie de Esso Standard Oil
24-08-2007

L'ambassade étasunienne a réagit à la décision du gouvernement de Managua de saisir les installations d'une raffinerie de Esso Standard Oil, en signalant qu'elle "affecte la relation bilatérale et  les investissements". En toile de fond, l'entrée de l'entreprise publique vénézuélienne Pdvsa.

Le pétrole est la nouvelle pomme de discorde entre le Nicaragua et les États-Unis. La décision de la Justice nicaraguayenne de saisir les installations d'une raffinerie de l'entreprise Esso Standard Oil en raison d'accumulation de dette a provoqué la réaction immédiate de l'ambassade nord-américaine dans ce pays. "Ces actions peuvent nuire sérieusement aux relations économiques entre les États-Unis et le Nicaragua. Elles peuvent avoir aussi affecter le climat d'investissement étrangère au Nicaragua", a averti l'ambassadeur Paul Trivelli. Le gouvernement sandiniste a essayé de minimiser l'importance de la saisie et a qualifié comme démesurées les déclarations du diplomate. Cependant, derrière la décision judiciaire existe une lutte entre Esso et le gouvernement pour permettre l'entrée de pétrole moins cher de l'entreprise publique vénézuélienne Pdvsa.

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Vendredi dernier, deux policiers et un groupe d'agents de la Direction Générale de Services Douaniers se sont rendu dans la raffinerie de l'entreprise Esso (aux États-Unis elle s'appelle Exxon Mobile) dans le port de Corinto, à un peu moins de 200 kilomètres de Managua. Comme les autorités douanières l'ont expliqué plus tard , ils comptaient sur un ordre d'un juge pour saisir de manière provisoire toutes les installations -des citernes d'approvisionnement, des pipe-lines internes et le reste des infrastructures pour raffiner du brut-. Toute l'entreprise est évaluée à trois millions de dollars, un chiffre à peine supérieur, selon la Douane nicaraguayenne, à ce que devrait l'entreprise nord-américaine. La saisie n'a pas encore été rendue  publique. Cependant, des sources proches du gouvernement sandiniste ont indiqué à ce journal que la transnationale déclarerait moins de brut que celui qui rentre, s'épargnant des millions de dollars d'impôts.

La Justice a nommé comme contrôleur le gérant de la Direction des Douanes de la zone, Roberto Zepeda, qui a garanti que la production ne subira pas de changements. Cette donnée n'est pas moindre pour les nicaraguayens, puisque Esso contrôle plus de 80 pour cent du marché énergétique du petit pays. Le Nicaragua est totalement dépendant en matière énergétique et, depuis les années soixante, Esso a exploité ce besoin. L'entreprise nord-américaine dispose de l'unique raffinerie -par elle passent 20 milles des 27 milles barils que le pays consomme par jour- et l'unique pipe-line du pays avec capacité pour importer du brut.

Son pétrole raffiné est ensuite commercialisé -plus cher- dans ses stations-service et celles des trois autres compagnies pétrolières qui opèrent dans le pays, l'étasunienne Texaco Chevron, l'hollandaise  Shell et la nicaraguayenne Petronic, une entreprise privée avec participation étatique. Cette dernière est celle qui opérerait en garantissant la sécurité dans la raffinerie de Esso, selon le journal Nuevo Diario. Ce supposé transfert et les tensions pré-existante entre Esso et le gouvernement de Daniel Ortega ont immédiatement réveillé quelques rumeurs à Managua et aussi à Washington.

Avec la victoire électorale d'Ortega de l'année dernière est arrivée au Nicaragua la promesse de 10 millions de barils annuels de Pdvsa, la pétrolière étatique vénézuélienne. Cette fourniture résoudrait l'énorme crise énergétique que le pays vit et baisserait les prix. Cependant, elle en terminerait aussi avec les quatre décennies de monopole d'Esso. Jusque là, tout semblait aller pour le mieux pour les nicaraguayens. Mais la promesse vénézuélienne s'est heurtée à un problème. Esso contrôle toute l'infrastructure pour importer, pour emmagasiner et pour raffiner le brut dans le pays. Pdvsa a déjà signé un accord pour investir plus de 2,5 millions de dollars dans la construction d'une raffinerie, mais le projet prendra au moins un an et demi pour se concrétiser. En théorie, sa capacité quintuplerait celle d'Esso et transformerait le pays en exportateur de produits pétroliers.

Pour l'économiste et vieux combattant anti-somociste, Oscar Rene Vargas, la contradiction entre les intérêts de l'entreprise nord-américaine et ceux de l'État nicaraguayen est derrière la saisie. "Il se passe quelque chose de similaire à ce qui a eu lieu au Honduras", a-t-il expliqué à Página/12. Au début de l'année, le président hondurien Manuel Zelaya a décidé de casser le monopole des compagnies pétrolières nord-américaines et d'ouvrir à licitation la fourniture de combustible au pays. Au milieu des avertissements de la Maison Blanche et de tout l'establishment local et international, la réponse de Esso s'est détachée. S'ils achètent le brut à d'autres, nous ne le raffinerons pas, a plus ou moins dit la filiale au Honduras. Bien sûr, Hugo Chavez discute déjà avec Zelaya la construction d'une raffinerie. Mais, pendant ce temps, la technologie des compagnies pétrolières nord-américaines continue de commander.

María Laura Carpineta, Pagina/12 (Argentine), 22 août 2007. Traduction: http://amerikenlutte.free.fr