Brésil : Le soja avance en Amazonie
19-05-2008
Dans des déclarations publiques, la ministre de l'Environnement, Marina Silva, a rendu responsable un baron du soja de son licenciement. Un influent secteur militaire a soutenu ce remaniement, suivant en cela la politique de la dictature militaire.
 

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L'Amazonie a cessé d'être un immense jardin botanique pour l'opinion publique globale il y a 18 ans grâce, en grande partie, au débat installé durant le Sommet Eco '92, organisé par l'ONU à Río de Janeiro. Mais la maturité politique de l'Amazonie est arrivé en décembre 2002, quand Luiz Inácio Lula da Silva, quelques jours avant de prendre le pouvoir  comme président, a décidé de nommer Marina Silva à la tête du Ministère de l'Environnement. Le trouble causé par la démission de Silva mardi dernier a révélé, en même temps autant sa stature internationale que la densité stratégique atteinte par l'Amazonie.

Le départ ou la nomination d'un ministre "vert" n'avaient jamais empêché de dormir aucun mandataire, mais cette fois cela a été différent : "Le président Lula respecte et a de l'affection pour Marina, mais il a réagi avec une certaine irritation à son renoncement", a résumé une source gouvernementale consultée par Pagina/12 au Palais du Planalto.

Réduire la gestion de Marina Silva à une croisade en défense de l'eau et de la chlorophylle serait écologiquement correct mais simpliste.

Hier, dans une interview radiophonique, l'ex-fonctionnaire de Lula, qui quelques instants auparavant avait évité d'appeler de leur nom les responsables de sa chute, a cité Blairo Maggi. Il s'agit d'un des plus grands producteurs de soja du monde, qui, selon ses propres mots, a amassé une fortune en commettant des déprédations à la forêt il y a trois décennies quand il n'y avait pas de lois de défense de l'environnement.

C'est que Maggi est, en même temps, gouverneur de l'Etat de Mato Grosso, où les
satellites de l'Institut National de Recherche Spatiale ont détecté les plus grands incendies forestiers dans le dernier semestre. Les Etats de Mato Grosso et du Pará sont en tête du déboisement amazonien qui, dès 2003, a atteint 100.000 km2, un tiers de la province du Buenos Aires.

On peut définir Maggi comme un propriétaire foncier d'un nouveau un type : propriétaire de machines modernes,
important exportateur d'aliments à un marché avec une demande en expansion et réceptif à l'arrivée de capitaux internationaux attirés par les étendues prairies  brésiliennes, aptes pour les aliments et les biocombustibles. C'est l'archétype de l'entrepreneur de l' "agro-business" et il aspire à transformer le Brésil en "grenier du monde".

Marina Silva et Blairo Maggi représentent deux modèles de développement pour les presque 4 millions de km2 de l'Amazonie, avec une population qui n'atteint pas les 25 millions d'habitants.

"Il y a des gens qui défendent le développement à n'importe quel prix, il est nécessaire de changer un modèle du siècle dernier par un autre du XXIe siècle", a recommandé hier l'ex-ministre. Elle se rapportait à la politique d'expansion de la frontière verte encouragée par la dictature militaire, consistant à commettre des déprédations et à peupler la forêt. Un concept de modernisation autoritaire toujours en vigueur, constatable non seulement dans l'Etat de Mato Grosso mais aussi dans d'autres comme le Pará, où les meurtres de paysans sans terre sont monnaie courante, ou celui de Roraima, qui fait frontière avec le Venezuela et la Guyane.

Un drapeau brésilien a pris la tête de l'importante  caravane qui a recu cette semaine Paulo César Quartiero dans sa ville de Pacaraima, après avoir passé deux semaines en prison pour avoir tiré sur 10 indigènes qui avait occupé sa propriété implantée dans la Réserve Raposa Terra do Sol.

Quartiero est un prospère agriculteur de Roraima qui dans ses années de jeune garçon aurait appartenu au Commando de Chasse des Communistes, l'organisation qui a prêté ses services à la dictature, comme l'a informé à Pagina/12
Paulo Maldós,  membre du Conseil Indigéniste Misionario (CIMI). Dans un discours, Quartiero a revendiqué la présence de l'armée dans la Réserve et a défenestré le président Lula da Silva.

La popularité de Quartiero dans la population blanche de Roraima est en ascension, comme celle du général Augusto Heleno, chef du Commando Militaire de l'Amazonie.

Les deux coïncident sur le fait que la souveraineté dans la région est menacée et considèrent les indigènes comme des agents involontaires de l' "avarice du pouvoir international" camouflé dans les ONG.

Le général Heleno, il y a un mois et le chef du Bataillon d'Infanterie de la Forêt, le général Eliezer Monteiro, la  semaine dernière, ont attaqué Lula et sa politique amazonienne, dont Marina Silva était la principale responsable. Heleno a été cité par le gouvernement pour présumée insubordination, mais il a été confirmé à sa charge.

La chute de Marina Silva et la permanence à son poste du général sont des indices de la direction que prend l'Amazonie.


Brasilia, Darío Pignotti,
Pagina12, 18 mai 2008 .

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr