Chili: prison à perpétuité pour l'ex-chef de la DINA de Pinochet
01-07-2008

Manuel Contreras, l'ex-chef de la DINA de Pinochet, a été condamné avec sept autres agents, pour le meurtre du général Carlos Prats et de son épouse qui  s'étaient réfugiés à Buenos Aires.

La Justice chilienne a condamné hier à la double prison à perpétuité le général à la retraite Manuel, ex-chef de la Direction d'Intelligence Nationale (DINA), la police sécrète de la dictature, pour le meurtre de l'ex-commandant en chef de l'Armée chilienne Carlos Prats et son épouse, Sofia Cuthbert, commis à Buenos Aires en 1974. Sept autres agents de la DINA ont été condamnés à des peines allant  jusqu'à 20 ans de prison.
 
Dans un jugement de 506 pages, le juge Alejandro Solis a établi que le double crime, exécutée à Buenos Aires au moyen d'une bombe placée sous la voiture du couple, a été perpétré par la DINA, sous la conduite du général Contreras et exécuté par des agents de cet organisme. En plus des deux condamnations à la perpétuité (40 ans de prison chacune), le magistrat a dicté une peine de vingt ans de prison à Contreras comme chef d'une association illicite pour commettre des meurtres.
 
Connu comme El Mamo, l'ex homme fort de la dictature, craint y compris par des militaires de haut rang et qui rendait des comptes à l'ex dictateur Augusto Pinochet lors de petits déjeuners quotidiens, accumule avec cette condamnation 100 ans de prison, qui s'ajoutent aux 289 autres que d'autres juges ont dicté à son encontre dans 25 autres cas. La Cour Suprême en a ratifié 57 pour l'ex-chef de la DINA. Solis a aussi condamné à deux peines de 20 ans l'ex-numéro deux de la DINA, le brigadier Pedro Espinoza, et deux peines de 15 ans au troisième dans la hiérarchie de cet organisme et ex-chef du département extérieur, le général Raul Iturriaga, les deux à la retraite. Jose Zara, Cristoph Willike et Juan Morales ont été condamnés à deux peines de 10 ans chacun, alors que l'ex-agent Jorge Iturriaga a reçu deux peines de cinq ans et Reginaldo De la Cruz, deux de 541 jours.

Le jugement inclut l'auteure matérielle du meurtre. Maria Ines Callejas, qui a fait explosé la bombe à distance, a été condamnée à deux peines de 10 ans de prison et à 541 jours additionnels pour association illicite. Le jour des homicides, Callejas était dans une autre voiture à proximité du domicile de Prats, accompagné par son mari, l'étasunien Michael Townley, aussi agent de la DINA, qui a installé la bombe dans l'auto du général.

Le meurtre de Prats et de son épouse a été la première opération internationale de la DINA, qui a aussi commis des attentats à Rome et à Washington contre des opposants au régime militaire. L'opération a commencé le vendredi 28 septembre 1974, quand l'étasunien Michael Townley, est rentré dans le garage du général Prats et a placé une bombe sous la boite de vitesse du véhicule qu'utilisait le militaire.

Le 30 de ce mois, quand Prats et son épouse rentraient chez eux, Townley a fait sauté l'explosif. Selon le rapport policier de l'époque, "les restes de l'automobile se sont répandues dans un rayon de 50 mètres" et "on y voyait des restes calcinés de chair humaine". Townley a participé ensuite à l'attentat à l'explosif à Washington contre l'ex-ambassadeur Orlando Letelier, a été capturé et est aujourd'hui sous le système de protection de témoins.

Durant la dictature, plus de 3000 personnes ont été assassinées ou disparues par les services d'intelligence, organisés par le dictateur décédé, le général Augusto Pinochet. 50.000 autres ont été torturés, y compris des enfants, selon des rapports officiels.

Actuellement, plus de 600 ex-répresseurs sont condamnés ou inculpés dans des centaines de cas. A lui seul, le général Contreras comptabilise plus de cent condamnations, pas toutes ratifiées.

Les sentences contre les responsables du meurtre du couple Prats, dictés 34 ans après le double meurtre, sont les plus drastiques quela justice ait prises pour des cas de violations des droits de l'homme commises sous la dictature (1973-1990). Seul un général avait reçu jusqu'alos une condamnation à perpétuité. Les avocats des militaires feront appel dans les prochains jours.

"Dans toutes ces années nous avons eu tant de difficultés que vraiment il semblait que cette minute n'allait pas arriver", a affirmé, émue, Angelica Prats, l'une des filles du couple, après le jugement. "Cette condamnation fait justice pour tout ce qu'ont vécu nos parents", a-t-elle ajouté. "Le pays connaît maintenant la vérité (...), tout comme l'armée, ce sont sept militaires qui, en activité, ont participé au meurtre du commandant en chef", a soutenu Cecilia Prats. Loyal à l'ex-président Salvador Allende, dont il a été un des ministres de l'Intérieur et le vice-président, le général Prats s'est exilé en septembre 1973, après le coup d'Etat militaire, s'établissant en Argentine, où il s'est attelé à écrire ses mémoires. Prats était un militaire constitutionaliste, avec un fort penchant pour le droit, et Pinochet, qui le considérait comme un danger pour son régime, l'a maintenu sous vigilance permanente, ce qui a facilité l'attentat de la DINA.


Manuel Delano, Pagina/12, 01 juillet 2008.

http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-107003-2008-07-01.html

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr