Argentine : Cristina Fernández annonce le paiement total de la dette envers le Club de Paris
10-09-2008

La sueur et l’effort de la classe des travailleurs argentine sont partis pour Paris. Mardi dernier, la Présidente de la Nation, Cristina Fernández, a communiqué depuis le salon blanc du siège de gouvernement, devant les hommes d’affaires qui l’écoutaient, qu’elle venait de signer un décret pour disposer le paiement de la totalité de la dette envers le Club de Paris. Ils leur ont répondu par une ovation. La dépense sera d’environ 6.706 millions de dollars. L’argent sortira des réserves de la Banque Centrale, qui descendront à environ 40.500 millions. S’acquitter de la dette était une exigence du Club de Paris, des puissances du G-7 et des entreprises locales prépondérantes.

Une scène typique de l’histoire nationale où se trouvait une partie de la classe dominante : hommes d’affaires nationaux et étrangers très contents, heureux des affaires qu’ils ont faites, qu’ils font et qu’ils feront, applaudissant les représentants politiques (classe dirigeante) qui font tout leur possible pour que cela (les affaires) suive son cours.

Sur ce sujet polémique, il y aura de multiples opinions, beaucoup seront motivées par l’opposition politique partisane, comme celles de tous ceux qui ont critiqué le fait que la mesure ait été mal effectuée, qu’elle aurait dû être prise avant ou qu’elle n’est pas passée par le parlement. D’autres, parmi lesquels je m’inclus, pensons qu’il aurait fallu d’abord étudier la dette et ne payer que si elle est légitime et seulement si les conditions sociales du pays le permettent.

Le 13 juillet 2000, trois mois après la mort du journaliste et historien Alejandro Olmos, le juge fédéral Jorge Ballestero a déclaré l’endettement étranger contracté durant plusieurs gouvernements comme « illégal, immoral, illégitime et frauduleux ». La dette argentine moderne fait partie du plan de destruction de la dernière dictature militaire. 30 mille militants ont été séquestrés et assassinés mais, comme l'a écrit Rodolfo Walsh en mars 1977, « c’est dans la politique économique de ce gouvernement qu’il il faut chercher non seulement l’explication de leurs crimes, mais l'atrocité majeure qui châtie des millions d’êtres humains par la misère planifiée. En un an, vous (les juntes militaires) avez réduit de 40% le salaire réel des travailleurs, diminué de 30% leur participation au revenu national, accru de 6 à 18 heures la journée de travail dont a besoin un ouvrier pour pouvoir payer le panier familial ».

Ce terrible plan soutenu par les armes avec l’appui des civils a continué à se mettre en place dans les années 90 avec la désarticulation de l’État. Et une grande partie de la dette a été contractée par des entreprises privées, mais durant la dernière dictature, un tel Domingo Cavallo a transféré la dette privée à l’État. Devons-nous tous prendre en charge ces décisions monstrueuses et anti-populaires ?

À cause de tout ce qui a été exprimé, nous voyons aujourd’hui des enfants qui ne vont pas à l’école pour aller « occuper » un dépôt d’ordures pour y construire de leurs mains un lieu où survivre , ou ceux qui abandonnent l’école pour porter le drapeau des propriétaires de la terre pendant que ceux-ci les soumettent aux fumigations, ou ceux qui vont récolter des myrtilles ou ceux qui doivent mendier devant un feu rouge ou dans les rues, ou ceux qui doivent trier les déchets pour survivre, ceux qui naissent dénutris ou ceux qui ont leurs parents invalides après avoir travaillé des années dans une usine à un rythme effrayant pour un salaire misérable.

À cause de tout ce qui a été exposé, nous pouvons entendre dans la rue « je me suis fait virer, j’étais au noir et je n’ai pas d’indemnité », « je n’ai pas de travail, je dois survivre en triant les déchets et avec des travaux informels», « je n’ai pas assez pour manger, mon salaire est sous la ligne de pauvreté ». L’aberrante exploitation patronale, le laisser-aller complice et humiliant, le manque de politiques sociales de la part de l’État et l’inadmissible légèreté des classes aisées et d’une partie de la classe moyenne qui tape sur des casseroles pour défendre les taux de profit des hommes d’affaires, mais jamais pour la santé ou l’éducation publique, forment la combinaison idéale pour que l’histoire ne se répète pas mais continue.

C’est à cause de tout cela et de beaucoup d’autres choses qu’il serait impossible de décrire dans cet espace que surgissent certaines questions : Pourquoi payer 6 milliards au capitalisme international au lieu d’utiliser cet argent pour en finir avec l’indigence ou reconstruire à neuf le système ferroviaire qui privilégie le marché interne et une flotte maritime ? Ou encore : Pourquoi le pétrole, l’électricité ou les entreprises téléphoniques qui amassent des fortunes n’ont-ils pas été étatisés avec cet argent ? Certains me diront « d’accord, mais il y a toujours des réserves de 40,5 milliards et un excédent fiscal très élevé ». Je leur dis que les réserves soutiennent l’argent qui circule et s’utilisent en grande partie pour maintenir un dollar élevé, qui favorise les exportateurs, aussi bien pour le soja que pour l’industrie. Ils ne toucheront donc plus à l’argent des réserves.

Alors, laissez-moi rêver un peu plus et demander : Pourquoi avec cet argent n’a-t-on pas remis à neuf l’infrastructure du système éducatif national et du système de santé publique ? Et permettez-moi de continuer à rêver : Pourquoi l’État n’a-t-il pas investi dans ces usines agro-industrielles pour donner une valeur ajoutée aux biens primaires et que ces usines soient gérées de façon coopérative  par les travailleurs ou de façon mixte avec l’État ?

Ou pourquoi ne pas former des coopératives de travail rural pour décomprimer l’entassement urbain ? Pourquoi ne pas former des coopératives pour fabriquer des manufactures que nous importons en dollars ? Pour cela, on pourrait suivre l’extraordinaire exemple du Mouvement National d’Entreprises Récupérées (MNER), véritables héros nationaux.

Pourquoi ? Parce que l’idéologie capitaliste continuer de primer, parce que dans le discours, la Présidente a dit que la production des richesses était une responsabilité des hommes d’affaires, et je me demande : Quelqu’un a-t-il vu Bulgheroni (président de Pan American Energy) ou Ratazzi (propriétaire de Fiat) travailler ? C’était ces gens qui étaient contents mardi dernier, les grands industriels, les banques privées et le plus grand multimédias du pays.

Pendant ce temps, la classe ouvrière urbaine et rurale, les salariés, ceux qui produisent réellement avec leur travail, leur effort et leur sueur la richesse de ce pays continuent à attendre, aussi bien de la part de l’État que des patronales privées, une toute petite augmentation, ou d’être déclarés, ou une prime de fin d’année ou des couches pour la maternité et beaucoup d’autres manières de « redistribution et générosité ». Alors, ma dernière question est : Jusqu'à quand la classe des travailleurs va-t-elle continuer à attendre ? Car tout son effort s’est envolé pour Paris et comme dans une chanson de Léon Gieco  « Nous continuons à être la colonie de la poule d’en haut, fédéralisme-mensonge depuis que j’ai de la mémoire, là-bas ils inventent l’histoire, ici on l’écrit de son sang… »

Nicolás Panizza, Rebelión, 6 septembre 2008

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=72272&titular=a-paris-ella-se-fue…-

Traduit par eli

http://amerikenlutte.free.fr