Argentine: mobilisations à deux ans de la disparition de Jorge Julio Lopez
20-09-2008

Les principales mobilisations pour remémorer le témoin clé du procès contre le répresseur Miguel Etchecolatz ont eu lieu à La Plata et à Buenos Aires. La demande de sa famille pour que ses compagnons de captivité soient investigués a été fortement contestée.

 

 

La revendication a été la même à La Plata et à Buenos Aires, à Cordoba et même à Rome. Deux ans après la disparition de Jorge Julio López, des milliers de personnes se sont mobilisées pour exiger l’apparition en vie et la condamnation des coupables de sa séquestration, pour répudier l'impunité et le manque de volonté politique pour déterminer ce qui est arrivé au témoin qui a contribué à la condamnation du répresseur Miguel Etchecolatz. « C’était le grand-père de n’importe qui, il était obstiné, son témoignage démontre qu’il était systématique, il avait même l’habitude de porter les mêmes habits pour des situations déterminées », a décrit Nilda Eloy, témoin et partie civile, comme Lopez, du procès contre l’ancien collaborateur du répresseur Ramon Camps. Hier, le refus de la présentation des avocats de sa famille pour qu’il y ait une investigation pour déterminer si ses compagnons de captivité et ses représentants légaux ont omis de le protéger, était partout présent.

Nora Cortiñas, mère de la Place de Mai, a participé à la marche de La Plata. « Je dis à sa famille qu’ils n’ont jamais été seuls, personne n’a abandonné Julio, les compagnons sont fiers de lui. Si sa femme et ses enfants ne le revendiquent pas tous les jours, je suis amené à penser qu'il lui manque une mère », a-t-elle dit à Página/12. Pourquoi un message à sa famille ?, a voulu savoir ce journal. « J’ai appris qu'ils ont présenté une plainte pénale contre les compagnons et les avocats qui ont suivi le procès. Grâce à Julio, les Mères, nous pouvons dire qu’il y a un génocide condamné à la prison à perpétuité. Nous leur demandons de se joindre aux organismes des Droits de l'Homme, aux Mères (de la Place de Mai), pour participer aux recherches pour le retrouver en vie », a répondu Cortiñas.

Les fils et l’épouse de López veulent une investigation sur toutes les personnes de son entourage et sur les juges et procureurs qui ne lui ont pas donné de protection après avoir incriminé de nombreux répresseurs grâce à ses témoignages. Tel que ce journal l’a anticipé, ils ont présenté une dénonciation, soutenue par les avocats Alfredo Gascón et Hugo Wortman Jofré, dans laquelle il est dit que « López n’a jamais milité dans une organisation subversive, ni dans aucune bande de délinquants, et sa fréquentation d’une unité de base (travail de base péroniste) de Los Hornos a été liée à des activités communautaires ».

Au milieu des tambours et des bougies de la manifestation de La Plata, l’avocat Guadalupe Godoy, qui a assisté López dans le procès contre Etchecolatz, a dit qu’ « il est douloureux de voir que ceux qui avons accompagné Julio dans sa quête de justice, nous soyons signalés comme les responsables de sa disparition. Mais nous voyons avec beaucoup de préoccupation le fait qu’ils soient en train d’attaquer une façon d’effectuer les procès que nous considérons paradigmatique ». Elle a fait référence aux procès contre Etchecolatz et Christian Von Wernich, « qui ont été les seuls procès absolument publics, où pour la première fois la société a pu entendre les voix des victimes et également celles des répresseurs ; ces procès ont été les seuls à rompre à niveau judiciaire avec la théorie des deux démons en reconnaissant l’existence d’un génocide et dans lesquels les génocides ont été envoyés dans des prisons communes et non pas dans une résidence privée. » D’après elle, le but de la présentation judiciaire est de « délégitimer ce modèle ». Godoy a souligné que « la famille López est victime, c’est la seule qui a souffert deux fois la disparition d’un être cher, et il est évident qu’elle n’a aucune dimension de l’effet que cela produit, contrairement à l’avocat ». Après s’être mobilisée dans la ville de Buenos Aires, du Congrès à la Place de Mai, l’avocate Myriam Bregman s’est demandée ce que « penserait Julio s’il savait que l’avocat de sa famille a représenté hier dans le cadre des Procès pour la Vérité le chef du personnel de Siderar, signalé par plusieurs survivants comme l’un de ceux qui ont désigné les gens qui ont disparu dans cette entreprise. Bregman, qui a également été l’avocate de López, a mis l’accent sur le fait que la dénonciation met en évidence qu’ « ils n’ont pas écouté le témoignage de Julio, où dans sa dernière partie il revendiquait sa militance et ils essaient de le montrer comme quelqu’un a qui on a fait un lavage de cerveau dans des buts macabres, un argument de la dictature ». Pendant qu’elle soutenait la banderole à la tête de la marche, Eloy a exprimé : « La dénonciation des López nous rajoute une douleur personnelle, car j’ai toujours défendu la douleur et la situation de la famille dans tous les médias où je suis allée ».

Une fois de plus, l’artiste Jorge Pujol a monté son installation devant la cathédrale de La Plata, celle-ci permet de voir le vasage de Lopez vu d'en haut. La foule a allumé l’image avec 7.600 bougies. Ont fait partie de l’œuvre collective le neveu du témoin, Hugo Savegnago et sa femme, Jorge Pastor Asuaje, ami et confident de López et le photographe Gerardo dell’Oro, le frère de Patricia, la jeune dont l’assassinat en captivité a fait l’objet du témoignage de López. Plus tard sont arrivées Cortiñas, Mirta Baravalle, Victor de Gennaro, Claudio Lozano et José Montes, à la tête de la marche qui avait été convoquée par Justicia Ya !, la Centrale des Travailleurs Argentins (CTA) et la Multisectorielle de La Plata, et à laquelle se sont joints les partis politiques, les organismes des Doits de l’Homme et les mouvements d’étudiants. « Si ton regard s’est éteint avec la salle image de l’injustice, nous sommes tes yeux et ta voix », pouvait-on lire sur une pancarte plantée par une dame dans la place. Édifices publics et bitume ont été peints avec des stencils qui disaient « le silence du gouvernement est impunité ». Les banderoles de la Commission Provinciale pour la Mémoire « 2 ans sans López » ont été accrochées à plusieurs coins de rue du centre-ville et aux alentours, Surcos a peint avec un aérosol blanc « sans López il n’y a pas de Plus Jamais (Nunca Mas) ».

Pendant qu’Irène Savegnago López disait hier à Radio Del Plata qu’elle gardait espoir, malgré le temps qui s’est écoulé, dans le même sens, son fils Ruben exprimait qu’à son « vieux », il le cherchait « vivant ». Et il ajoutait : « Nous ne participons pas aux mobilisations, car c’est une position que la famille a adoptée, mais nous remercions tous ces gens qui se mobilisent ».

Durant toute la semaine, il y a eu des activités pour López. À la faculté de Sciences Sociales (Université de Buenos Aires), une peinture murale a été réalisée par les travailleurs de l’ancienne Zanon, avec la présence de Bregman, Cortiñas et Adriana Calvo (Association Ex Détenus-Disparus). La Commission Provinciale pour la Mémoire, dans un document signé par Adolfo Pérez Esquivel, le procureur Hugo Cañon, Martha Pelloni, Carlos Sanchez Viamonte, De Gennaro et Mempo Giardinelli, a rappelé que la Cour Suprême de la Nation « n’a pas hiérarchisé une investigation formelle d’importance institutionnelle » et a ajouté par exemple que « l’affaire n’a même pas de greffier spécial ». Les adhérents ont dit qu’ils n’étaient pas prêts à « dénaturaliser l’absence ni à mener leur vie avec une disparition impunie ». À Rome, des groupes de droits de l’homme convoqués par HIJOS se sont manifestés devant l’ambassade argentine. L’artiste Hugo Vidal a créé un calendrier pour compter « combien de jours sans López ? » Les graffitis des murs de la ville de Buenos Aires interpellent les responsables et demandent la même chose que les bougies de la place : « Et Julio López ? »

Adriana Meyer, Página/12, 19 septembre 2008

http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-111868-2008-09-19.html

Photos: http://anred.org/article.php3?id_article=2705

Traduit par eli

http://amerikenlutte.free.fr